// OU SONT LES ARCHIS?

grd ensembles des grandes terres marly le roi

rose ou sont les archis

Ce début d’année 2015 est retentissant ! En effet, la violence qui le caractérise pose questions, il semble révéler un profond… malaise. Personnellement, dans mon fort intérieur ce malaise vit en sourdine depuis quelques années, un petit goût de je ne sais quoi très désagréable et qui s’est réveillé ! Un malaise lié aux politiques économiques et sociales prodiguées par nos hommes de pouvoir et dont les quartiers semblent être le réceptacle.

En effet une partie des maux dont semble souffrir la France depuis quelques années et qui arrive à son paroxysme en ce début d’année, viendrait de ces « banlieues », « cités », « quartiers » dont on parle beaucoup, trop parfois et jamais dans des termes très élogieux. Alors où sont passés les génies créateurs des villes ? Les architectes du futur ? Ceux qui ont dessiné ces ensembles et qui ne semblent apparaitre nulle part ? … ou pas là!

LA FIERTÉ…QUI DÉGRINGOLE 

Ces géants de bétons sont sortit de terre par une volonté politico-socio-économique fort résultant d’un contexte particulier d’après guerre, ils étaient connectés à des bassins industriels en plein développement et étaient le symbole de la modernité. On y trouvait le confort des appartements : spacieux, une chambre pour tous, une salle de bain et une cuisine dans les murs ! Une vraie nouveauté pour les français d’après guerre. Ils étaient la preuve que la France pouvait produire, qu’elle arrivait à se relever et mettait en valeurs les idées nouvelles de l’architecture et de l’urbanisme.

Cependant la dégringolade fut rapide et efficace. Les craches pétroliers, la fermeture des usines, le déplacement d’une grande partie de la population vers de la petite maison individuelle (politique giscardienne), la fermeture des commerces et l’installation de la population immigré dans un espace chaotique sans emplois. Un tableau qui fait froid dans le dos et qui n’évolue pas depuis prés de 40 ans.

Et c’est ainsi que depuis des années ce sont toujours les mêmes que l’on montre du doigt, dont on entend parler : ces quartiers « chauds », « difficiles ». Des lieux que l’on regarde de loin, parfois d’un mauvais œil parfois avec compassion, et qui ont en tout cas l’air de plonger la masse dirigeante dans un profond désarroi.

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Affiche de l’expo en 2005 sur les grands ensembles par la maison de Banlieue et de l’Architecture d’Athis-Mons.

MAIS ALORS OÙ SONT ILS ?

Les urbanistes, les architectes ? C’est pourtant eux qui ont construit et pensé ces quartiers selon les préceptes de la charte d’Athènes, mais pas seulement, d’autres se sont opposés à cette dernière et ont cherché à faire évoluer plus encore le logement social. Les grands ensembles étaient le fruit de longues réflexions et de remises en question des anciens codes de l’habitat. Pourquoi à l’heure qu’il est aucune solution réelle n’a l’air d’émerger ? Si ce n’est de temps en temps, un petit ravalement de façade, l’implantation de deux trois bosquets, d’une balançoire, au mieux d’un tramway.

© Droits réservés, © Fonds Marcel Lods. Académie d'architecture/Cité de l'architecture et du patrimoine/Archives d'architecture du XXe siècle.

Image du grand ensemble des Grandes Terres à Marly-le-Roi dans les années 60. © Droits réservés, © Fonds Marcel Lods. Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle.

 TERRITOIRES EN DÉSHÉRENCES VS COUP DE PUB ARCHITECTURAL

Alors d’un côté il existe ces « quartiers » dont on ne fait que parler de façon alarmiste, et de l’autre il y a la production architecturale contemporaine qui émerge aux quatre coins de Paris, ces masses géantes, symbole de la modernité, de la puissance culturelle et économique de Paris : La Fondation Louis Vuitton, la Philharmonie de Paris, la Canopée des Halles. Des objets architecturaux monstres, à plusieurs millions d’euros, dont tout le monde parle, se dressant tel des navires immenses dont la tête de proue éclairerait la capitale, l’illuminerait même !

Or on sait bien que ces projets sont un énième moyen de gentrification de la capitale, accompagnée par un ensemble de ZAC repoussant encore plus loin les plus pauvres, retranchant les moins riches au-delà de la ceinture périphérique, vidant le centre de son âme et de sa population. L’architecte et l’urbaniste ne sont ils en réalité là que pour servir les politiques mouvantes des gouvernements successifs ? Pour faire des coups de pub politiques, permettant aux « grands hommes » de laisser une trace historique et esthétique dans la matière ? Tout ça a l’air de manquer cruellement de prises de position fortes. Où est passé le temps de la « France du vivre ensemble » intelligent ?

Ce sont donc les centres villes et leurs populations que l’on met en lumière, pour qui l’on injecte des millions d’euros, pendant que des franges entières de territoires (pour qui l’on «s’inquiète») restent à la marge.

Image du projet de la philharmonie de Paris par Jean Nouvel.

Image du projet de la philharmonie de Paris par Jean Nouvel.

OUF ?

Heureusement certaines communes se donnent les moyens de sortir de ce marasme, mais elles restent tout à fait minoritaires. Les associations ou agences d’architectes qui proposent un discours engagé avec des solutions envisageables, ne semblent pas être entendus, ou si peu. Pourtant tous ces gens existent ! Les opérations qu’ils mettent en place se développent et trouvent une certaine résonance, mais à des échelles excessivement réduites, donnant l’image d’une micro architecture acupuncturale. En fin de compte l’architecte et l’urbaniste restent au service de l’Etat, sans qui rien ne peut se faire à une échelle majeure, lui-même assujetti aux lois de l’économie. Alors on tricote et l’on rafistole, comme on peut.

Bâtiment du 6B, lieu de création artistique et de diffusion, qui a pour objectif d'être acteur du territoire de la ville de St Denis sur lequel il est implanté.

Bâtiment du 6B, lieu de création artistique et de diffusion, qui a pour objectif d’être acteur du territoire de la ville de St Denis sur lequel il est implanté.

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//APG

Le petit son de l’article : Tei Shi – « Basically »

 

Image de couverture : Vue aérienne des grands ensembles des Grandes Terre à Marly-Le-Roi. © Droits réservés, © Fonds Marcel Lods. Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du XXe siècle.
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5 réflexions sur “// OU SONT LES ARCHIS?

  1. Un peu dans le même sens que Tiphaine, peux tu nous en dire plus sur ces communes et projets de réhabilitation et rénovation des anciens bâtiments et ZAC abandonnés des pouvoirs publics, des solutions envisagées .

    S’ils apparaissent superflus , selon moi les grand projets architecturaux sont également nécessaires .. Ils offrent un petit moment de rêve et de beauté dans un quotidien qui en est souvent dépourvu; ils donnent un idéal et une exigence esthétique vers lequel tendre..
    Au final ils posent la question de la limite entre l’art et l’architecture et donc de la légitimité des pouvoirs publics à les financer plutôt que d’investir l’argent public sur des projets « utiles  » aux parisiens ..

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    • Pour ce qui est des différents projets auxquels je fais allusion, il s’agit comme je le dis dans l’article de démarches d’associations, de collectifs ou de petites agences, qui travaillent de façon très acupuncturale à travers des opérations ciblées et proches des habitants. Je pense en particulier au travail de Julier Beller à travers le 6B, à celui du Pérou, des Saprophytes, de l’Atelier d’Architecture Autogéré, mais il en existe beaucoup d’autres. Leur objectif est pour tous de réinterroger la fabrication de la ville et de l’architecture en replaçant l’usager au coeur des questionnements.

      Jamais il n’a été dit dans cet article que les grands projets sont superflus ou qu’ils n’étaient pas nécessaire, il interroge simplement la figure de l’architecte star et de l’homme politique mécène au détriment d’une politique sociale forte là où depuis des années, on l’espère. Pour ce qui est de « l’esthétique vers lequel tendre », n’oublions pas que ceci est tout à fait subjectif.

      Au sujet de l’art et de l’architecture je vous renvoie à la réponse de Camille dans Nouvelle Presse

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  2. Salut. Tu peux m’en dire plus sur les villes qui innovent qui proposent des alternatives ? Quelles sont elles et quelles solutions ont elles trouve pour palier aux problèmes ? Merci !

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