// UNE ODE A LA RANDONNÉE

Site et cité Une ode à la randonnée

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Nous sommes partis cet été, mon ami et moi, à la découverte des montagnes qui entourent Ax-les-Thermes et avons emprunté une partie du GR10, chemin de Grande Randonnée qui traverse les Pyrénées d’Est en Ouest. Ces quelques jours en pleine nature sont toujours pour nous le moyen de faire le vide, d’allier effort et plaisir et surtout de faire l’expérience du grand paysage. En effet, la randonnée nous plonge dans un univers qui sort de l’ordinaire, qui tranche avec nos habitudes et nous ramène à l’essentiel.

Dans cet article, je voudrais tenter de vous faire partager mon expérience, de l’impact que peut avoir le grand paysage, du bien être et du dépaysement qu’il opère sur moi. L’envie d’écrire un texte sur le sujet m’est venue en marchant sur une crête rocheuse au cœur d’une mer de nuage, un instant où le temps s’était arrêté ; me jetant en pleine face le sublime de la montagne. A travers ce texte j’ai essayé de toucher du doigt les nombreux aspects qui me touchent dans la randonnée pour vous les retranscrire.

INVITATION AU VOYAGE

Partir en randonnée, c’est comme partir en voyage, on s’engouffre dans un monde nouveau, avec ses codes, ses règles ; chaque randonnée est unique, elle est toujours une expérience singulière. Ceux qui l’abordent le font également à leur manière. Certains pour la performance : ils marchent sans s’arrêter, dévorent les kilomètres, n’ont pas peur de l’effort. La montagne est pour eux le moyen de se dépasser, de sortir d’eux même. D’autres randonnent pour contempler : s’arrêtent régulièrement, admirent à la fois les paysages, la faune et la flore, se ressourcent grâce au calme mais se dépassent également. Mon ami et moi faisons parti de ceux -là, nous aimons prendre le temps, nous émouvoir de ce qui se présente à nous.

Chacune de ces excursions est une expérience en soi : les paysages, le trajet, le temps, les rencontres. Cette fois-ci nous avons choisi un parcours qui nous permettait de nous ravitailler au bout de quelques jours dans un petit village que nous connaissons l’hiver, que nous affectionnons et qui nous permettait également d’arrêter la balade au cas où le temps tournait. Le départ s’est fait assez bas dans la vallée, 700m d’altitude, et le point le plus haut que nous avons rejoint était à 2500m, de quoi monter et descendre, enchainer les dénivelés.

Au fur et à mesure que les jours défilent et que nous avançons, les paysages changent, parfois « ronds » et « douillets », ils deviennent abruptes et majestueux. Les points de vue oscillent entre verticalité et horizontalité. De forêts grasses et denses, nous passons par de larges prairies, nous croisons de petits refuges de bergers en pierres, des troupeaux de chevaux et de vaches, puis les crêtes apparaissent et se font saillantes. Nous nous baignons dans les rivières, l’eau est revigorante. La végétation devient rase, le calme est absolu, les nuages dansent et s’accrochent aux pics un peu plus haut, puis il ne reste plus que la roche et des lacs cristallins. A plusieurs reprises ce sont mes poumons que j’ai l’impression de perdre mais le désir de toucher le sommet me donne la force de continuer. Arrivés en haut c’est une mer de nuages qui s’offre à nous, faisant émerger les crêtes semblables à des falaises. Tout autour de nous les puissantes montagnes nous encerclent, le silence nous emplit, le soleil brille. Le temps s’est arrêté, tout est immobile. Depuis plusieurs jours que nous marchons déjà, les heures ne sont pas les mêmes, les journées passent selon un rythme tout à fait différent, beaucoup plus lent et plus doux. Nous restons là-haut, sans voix, à contempler. Puis arrive le temps de la descente vers le village de ravitaillement, la végétation réapparait, elle se fait plus abondante, les cours d’eau ruissellent, la forêt est de retour, les chevaux, les autres randonneurs puis le village avant la nouvelle remontée.

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ENTRE RYTHMES ET ÉCHELLES

Les rythmes diffèrent au fil de la balade, ils vont crescendo. C’est comme une partition de musique, l’introduction est douce puis le rythme s’accélère, c’est l’explosion, puis le tempo ralentit et s’efface. Et c’est l’effort qui reste en toile de font, ainsi que le plaisir de la récompense qui nous fait tenir, celui des splendides points de vue, des ambiances et des détails.

Le paysage s’offre à nous sous tous ses angles, de l’infiniment grand à l’infiniment petit. C’est un aller – retour perpétuel entre l’angle de vue panoramique et le zoom macro d’un objectif. Le chemin face à nous est sinueux parfois dangereux, notre regard se concentre sur le point de vue le plus restreint ce qui nous permet d’observer les fleurs, les traces de pas, les roches environnantes. Puis lorsqu’on relève la tête notre regard embrasse l’immensité, les collines, les valons, les plaines puis nous nous re-concentrons sur le scarabée et le papillon.

Cet aller -retour perpétuel nous donne une lecture du tout, que l’on compose à la façon d’un puzzle, auquel s’ajoute la carte, complétant le point de vue.

DE LA CARTE AU PAYSAGE

L’outil essentiel à la bonne conduite de la marche est bien évidemment la carte, sans elle la balade serait difficilement possible, elle sécurise et rassure. C’est elle qui détermine le parcours choisi, elle annonce à l’avance ce que nous allons traverser, prévient des risques, de la difficulté et des éléments rencontrés sur le chemin. Elle est à elle seule la promesse de ce que l’on cherche, l’outil de la projection. Durant la marche on y retourne sans cesse, à son tour elle permet l’aller -retour entre le réel et le dessin, entre la 2D et la 3D. C’est avec elle que l’on se situe, que l’on sait d’où l’on vient et où l’on va. Elle est donc une boussole mais également un outil de mesure temporelle qui nous permet de déterminer le temps qui passe. Avec elle on peut prévoir les heures qu’il nous reste avant d’arriver au point final de la journée ou aux sites à voir. Elle complète le rapport d’échelle entre l’infiniment petit et l’infiniment grand dans notre compréhension de la géographie et de la géologie, tout en allant au-delà de ce qui est vu. En effet, là-bas, il y a un lac que nous verrons sur un autre parcours une prochaine fois, ici une vallée et son refuge que nous ne croiserons jamais. Il nous est impossible d’embrasser d’un seul regard le tout. La carte, elle, nous permet d’entrevoir une infime partie du non visible. Elle est l’outil complémentaire à notre simple point de vue.

LE SOLEIL BRILLE, DERRIÈRE LES NUAGES

Un aspect vient compléter cette perception de l’ensemble qui est en réalité l’un des facteurs numéro un de la bonne conduite de la randonnée : la météo. En effet, une balade sympathique peut vite se transformer en catastrophe si le temps change brutalement et que nous ne l’avions pas prévu. Lors de notre randonnée de cet été, la météo a subitement tourné, et c’est presque une journée entière que nous avons passé dans un épais brouillard accompagné d’une bruine incessante. Impossible de savoir ce qui se trouvait à quelques mètres devant nous, l’outil papier de la carte est devenu alors incontournable, explosant le quota de lectures à la journée. Il devenait difficile de s’en défaire, c’est par elle que nous comprenions ce que nous traversions sans pouvoir le voir. Le souvenir de cette journée restera intact pendant longtemps je pense car ce n’est pas un sentiment de frustration qui nous a saisi, mais le sentiment grisant de faire une nouvelle découverte. C’était la première fois que je me déplaçais dans la nature dans des conditions semblables et cette expérience m’a offert un ensemble de points de vue et d’impressions nouvelles, intensifiant celles exposées précédemment : le temps plus lent, l’absolu silence, la dépendance à la carte, le rapport d’échelles, le sentiment d’immobilité, le dépassement de soi. L’image la plus marquante restera celle des animaux que l’on devine d’abords avec le son des cloches qui sonnent, puis leurs silhouettes sombres apparaissent dans l’épais brouillard gris. Ils sont là, stoïques, nous regardent passer, puis s’effacent dans la brume, comme ils sont apparus, fixes. La dimension onirique de la randonnée et de la nature prend alors tout son sens. Nous évoluons dans un univers tout autre, inconnu jusqu’à lors et soulignant notre condition si fragile, car tout peut arriver et très vite. Le chemin devient semblable à un fil tendu vers le point d’arrivée qu’il est impossible de quitter sous peine de se perdre ou de tomber dans le vide.

L’ultime récompense de cette journée nous sera offerte au petit matin le jour suivant. Nous sommes à 2400m d’altitude et en nous couchant la visibilité ne dépassait pas 20m, nous avions perçu que notre bivouac était non loin d’une falaise, mais profonde de combien de mètres ? Et avec quoi de l’autre côté ? Quelle a été notre surprise quand au réveil, nous avons découvert que nous étions au cœur d’un cirque aride, les montagnes en face de nous semblaient si proches, leur cimes étaient teintées de rose, signe du soleil qui se lève.

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ET ENFIN, LE SUBLIME

C’est sans un mot que nous avons contemplé ce spectacle. Observant les nuages du creux de la vallée, monter doucement, et le rose du ciel devenir bleu.

La montagne est par excellence le lieu du sublime. L’expression de la force de la Nature dans toute sa simplicité. Il n’y a rien à ajouter, rien à enlever, tout est là dans une harmonie désarmante. Les paysages que nous traversons nous ramènent à notre juste valeur, nous replacent à notre juste échelle et à notre condition d’homme fragile. L’absolu silence hormis quelques furtifs chants d’oiseaux arrête le temps. L’impression d’immobilité est palpable ainsi que le sentiment de l’absence. La randonnée devient alors un moyen idéal de ressourcement, de détachement pour une reconnexion à soi. C’est seul face à nous-mêmes que nous marchons le long des chemins sinueux. L’expérience de la montagne, comme celle de la pleine mer ou de la steppe, éveil chez nous le sentiment du tout, celui de l’immensité à laquelle nous appartenons. A quand le prochain départ ?

//APG

Le petit son de l’article: Hadouk Trio – « Suave corridor »

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