// PATRIMOINE EN PÉRIL

Palmyre Patrimoine en péril sur Site et Cité Temple de Bêl menacé par etat islamique

Puisque c’est d’actualité, parlons-en. A toutes proportions gardées sur mes connaissances socio-politiques, les drames vécus en Syrie posent des questions qui méritent discussions. Je ne souhaite pas particulièrement parler de la question migratoire, des drames et des tentatives d’exil deshumanisantes ou encore des polémiques sur l’accueil en territoire européen. Ces sujets sont trop politiques pour Site[et]Cité, mais les impressionnantes images des actes de destructions de l’Etat Islamique (EI) sur le patrimoine syrien ne peuvent laisser les architectes que nous sommes inactifs.

 

PALMYRE, LE PRÉCIEUX EN PÉRIL

Le 1er septembre 2015, des images satellites de l’ONU ont témoigné de la destruction du temple de Bêl, le joyau de la cité antique de Palmyre. Cette destruction fait suite à d’autres faits rapportés au compte-goutte depuis la prise de Palmyre par l’EI il y a 4 mois.

L’oasis de Palmyre est l’un des plus importants sites archéologiques préislamique du Proche-Orient. Il porte le souvenir d’une tranche d’histoire, celle de l’Empire romain d’Orient, aux premiers siècles de notre ère. A l’époque, Palmyre était une cité caravanière, un carrefour commercial entre l’Inde, la Chine, la Perse et Rome. Sous l’empereur Hadrien, les commerçants ont financé la construction de l’antique cité sous le modèle d’une architecture mêlant le style gréco-romain à des influences orientales.

Depuis 1980, le site est inscrit sur les listes de l’UNESCO comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité. La magnificence du site et sa préservation lui valent les honneurs des touristes et une forte affluence internationale. Mais cela, c’était avant que n’éclate la révolution qui secoue la Syrie depuis 2011.

En effet, la progression de Daesh menace l’intégrité et la préservation du patrimoine du pays conquis. Loin d’avoir du respect pour ces vestiges précieux, le groupe détruit, saccage et revend au marché noir les œuvres pillées. Les annonces des démolitions se succèdent et glacent d’effroi : le 23 août, le temple de Baalshamin a été anéanti à l’explosif. En février, le groupe avait détruit des trésors du musée de Mossoul et du site antique voisin de Ninive, dans le nord de l’Irak. En mars, il s’en prenait à la ville parthe d’Hatra, toujours en Irak, et le mois suivant aux vestiges de la capitale assyrienne de Nimrod.

Ces destructions en série inquiètent et tourmentent les responsables culturels et les archéologues du secteur, avec l’éternel crainte : « ils n’arrêteront jamais ».

Palmyre patrimoine en péril, photo avant après des destructions causées par l'Etat islamique

Images satellite du temple de Baal prises avant et après sa destruction. Les deux photos ont été prises le 27 et le 31 août 2015.
© Unitar-Unosat, AFP

 

CRIME DE GUERRE

Devant ces vagues massives de destruction, une question hante : pourquoi l’Etat Islamique s’attache à détruire avec systématisme tous les vestiges du passé ? Quels pouvoirs en retire-t-il ?

Les analystes déterminent trois raisons. L’objectif idéologique, tout d’abord, qui vise à la fondation d’un Etat inspiré par le salafisme. Dans cette vision de l’Islam, l’ambition est de lever un mouvement de renaissance de l’islam en retrouvant la foi des origines et le respect strict de la loi islamique (la sharia). Les salafistes refusent toute influence occidentale et dénoncent toutes les “innovations” par rapport au Coran et à la Sunna. Dans ce sens là, les vestiges du passé sont des hontes, des possibles corruptions, des inepties. Avant l’Islam, le désert.

L’autre explication est évidemment politique. Les destructions des lieux protégés par la communauté internationale renvoient aux nations l’écho de leur impuissance. L’EI fait une démonstration (sombrement efficace) de son impitoyable pouvoir et de sa force, en osant jusqu’à l’innommable.

La destruction systématique des sites antiques révolte par l’irréversibilité de l’acte. Les images sont choc et le bilan est sans appel : ce que l’homme a construit et préservé pendant plus de vingt siècles, Daesh le détruit en 2 minutes d’explosifs. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Le sentiment de révolte se confronte à la peur unanime qui fige les réactions. Toutes les forces politiques en opposition déplorent la conquête et l’extension du territoire de Daesh mais aucune action n’a pu jusqu’à présent les retenir. Ces pertes portent aussi directement atteinte à l’identité et au peuple syrien, le privant de son histoire et de son héritage. Ces destructions sont un moyen d’astreindre la diversité culturelle syrienne, un nouveau crime de guerre.

Le troisième argument se fonde sur la valeur commerciale des œuvres pillées revendues par les réseaux de contrebande. L’afflux d’objets antiques circulant dans les marchés clandestins témoigne d’un pillage à l’échelle industrielle : fouilles archéologiques illicites, pillage des musées et des bibliothèques, vols de collections particulières, tous les réseaux sont exploités pour alimenter le commerce qui participe au financement des opérations armées du groupe.

Palmyre Patrimoine en péril sur Site et Cité

 

LA CULTURE, BIEN COMMUN

Face à cette barbarie, les révoltes sont faciles, les actions moins évidentes. En première place, l’UNESCO initie le mouvement en s’associant avec les organisations nationales et internationales (INTERPOL, Organisation mondiale des Douanes) pour stopper le trafic.

Quand le droit est dépassé ou bafoué, les hommes se dressent pour défendre le patrimoine culturel qu’ils affectionnent. Ce combat devrait être l’affaire de tous, quand bien même les actions concrètes paraissent hors de portée. En attendant un plan d’actions, l’UNESCO a tout de suite réagit en publiant deux animations vidéos pour sensibiliser le public contre les méfaits du trafic de biens culturels en Irak et en Syrie. A voir et partager ici et ici. Chaque citoyen porte également la responsabilité de s’informer et de se documenter sur le sujet pour pouvoir parler à ses proches des drames syriens (drames humains et culturels – deux sujets en un). C’est chose faite sur ce blog.

Site et Cité patrimoien en péril Menace de l'état islamiqueDaali

Vision de l’artiste DAALI – Et si c’était Paris?

Évidement face à ce type de crimes, nous attendons surtout que nos hommes politiques prennent parti et engagent des actions politiques fortes et ambitieuses pour défendre nos valeurs bafouées. Mais à entendre la proposition de Fleur Pellerin, le combat ne me paraît pas gagner d’avance.

En réaction à l’annonce de la destruction du temple de Bel, la ministre a lancé le projet d’une reconstitution en 3D des sites détruits et de l’instauration d’une législation « permettant d’accueillir des biens culturels menacés ». Combattre la menace avec des impressions 3D et des casques à réalité augmentée pour visiter le site, c’est sympathique mais ça évoque déjà, à mes yeux, une solution de Nations battues. Non à la résignation, vive la conviction !!

// CDu

 

Palmyre patrimoine en péril sur Site et Cité vue sur la cité antique menacée par Daesh

 

Pour aller plus loin, d’autres articles à approfondir :

– Reprendre le b.a.-ba avec les vidéos très bien faite du Monde pour tout comprendre sur la montée de l’Etat Islamique.

– Approfondir la notion de patrimoine international avec une définition juridique de la souveraineté culturelle par la FJPC (la Fabrique Juridique du Patrimoine Culturel). 5 articles courts abordant 5 angles du sujet.

– Rêver de grande ambition avec ce (vieux) reportage de France 3 sur  Jacques Jaujard, directeur des Musées Nationaux pendant de la seconde guerre mondiale, qui a su préserver le Louvre du pillage envisagé par les nazis.

 

 

Le petit son de l’article : Part-time Friends– « Art Counter »

https://www.youtube.com/watch?v=PU8mEjEnTfc

 

4 réflexions sur “// PATRIMOINE EN PÉRIL

Réagir à cet article