// LE DROIT DE DIRE NON

©Libération

 

Plusieurs fois sur Site[et]Cité, nous avons réagi à l’actualité accablante du moment, construction de murs honteux sur les frontières, destructions criminelles de patrimoine, malaise social dans les banlieues. Loin d’être des experts en politique, les faits du monde font réagir nos cœurs et les analyser permet de mettre en perspective l’évolution des mouvements des sociétés internationales.

Notre engagement n’est pas fort, ni proactif et certainement pas exemplaire. Ecrire ici est avant tout un moyen de réfléchir et de discuter ensemble sur ces sujets sensibles, d’élargir nos horizons et d’interroger les marches en cours. Car pour tout architecte ou bloggeur que nous sommes, nous sommes aussi citoyens, petites parties d’un grand tout, appelé société ou humanité.

Les évènements de vendredi dernier ne sont pas directement liés aux thématiques que nous abordons dans nos articles, mais ils font échos à une conception du monde et à des valeurs que nous partageons et qui ont été attaquées au travers d’actes violents. Cette semaine, nous avions prévus d’écrire sur la résistance citoyenne, nous ne changeons pas le programme, mais le regardons, par la force des choses, au travers du prisme des attentats.

S’informer, construire une pensée critique, interroger ses connaissances et ce que l’on croit savoir permet de construire pierre à pierre son argumentaire de résilience et reprendre le combat après le trauma.

 

CONTRE LES ARMES, LA RÉACTION

Quand le coup est porté et que les corps sont tombés, il ne s’agit pas de rester tête baissée à pleurer le sort et la folie meurtrière des hommes. Il ne s’agit pas non plus de réagir primairement à l’attaque en accablant les bourreaux et les faiblards qui les accompagnent, à se résoudre aux actions dictées par la peur panique qui nous tenaille mais qui ne conduit pas toujours à l’action juste (nous l’avons vu avec l’inefficacité des murs frontières).

L’action citoyenne est un sujet qui m’interroge beaucoup, car si je ne suis pas encore convaincue de la portée des actions spontanées et des bons vecteurs de mobilisation, je suis persuadée qu’on ne peut pas remettre aux prochains ou à l’Etat la responsabilité d’agir, et d’agir bien.

Mon analyse critique porte sur le périmètre d’impacts de nos actions individuelles. Malgré quelques followers pour certains sur les réseaux sociaux, nos influences sont limitées et sans céder au découragement, je me demande quel peut être l’effet du singulier sur des phénomènes géopolitiques qui nous dépassent.

Est-ce que draper sa photo de profil facebook d’un arrière plan bleu-blanc-rouge fera frémir les terroristes? Est-ce qu’un pamphlet posté sur internet a autant d’impact qu’une balle de l’autre camp? Et que dire d’une bougie à la fenêtre ou même d’une manifestation aussi importante que les marches républicaines du 11 janvier dernier ?

En attendant d’être sûre de leurs effets, ces micro-actions restent le début d’une résistance, bienveillante et solidaire. L’esprit collectif qui prend corps au cours de ces moments d’exception marque une trêve dans les batailles ordinaires et on ne peut qu’espérer qu’il restera uni après la grande vague pour conserver son élan et sa capacité à faire évoluer les choses.

 

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LA RUE EST À NOUS

Si internet s’est avéré encore une fois être le premier théâtre d’action, les partisans du Paris Libre se sont aussi prononcés dans la rue, sur les scènes de crimes, dans l’espace publique. Des parisiens en recherche de recueillement se sont rassemblés spontanément, malgré les interdictions, créant de belles manifestations silencieuses et extra-communautaires. Les fleurs apportées une à une ont transformées les devantures mutilées en véritables mausolées.

Ces exemples ne sont pas que des symboles, mais prouvent que la rue est toujours et reste le lieu privilégié de la résistance citoyenne. L’espace public fait sens non pas comme un espace de servitude, mais comme un espace d’expression. Ces derniers jours, beaucoup ont proclamé que désormais s’asseoir à une terrasse de café, se rassembler pour écouter de la musique ou voir un spectacle prendrait une dimension nouvelle, non plus de jouissance personnelle mais de résistance citoyenne. Ce constat n’est pas nouveau, les gestes urbains quotidiens sont empreints de plus de valeurs sociales que ce que l’on peut croire. Nos lieux de loisirs, nos adresses d’achats et nos modes de déplacement sont des occasions de faits de sociabilisation et d’expression.

En reprenant son rythme normal de vie, Paris démontrera que la résistance citoyenne c’est aussi vivre son quotidien sans craindre les bombes de l’ennemi. La résistance est une chance et un pouvoir, celui de dire non quand on nous impose un mode de vie qui ne nous convient pas.

 

LE DROIT DE DIRE NON

Aujourd’hui, partout en France, on rencontre de plus en plus de situations où l’engagement citoyen s’élève et revendique le droit de s’exprimer sur la direction de nos villes et le futur de nos territoires. Des associations de riverains se dressent contre les desseins territoriaux d’une institution et contestent le programme. Face à cette pression, les élus redoutent l’expression libre des réunions publiques ou l’usage du recours des tiers par les citoyens, car l’opposition citoyenne est devenue (parfois) un réel frein à certaines formes de croissance et de développement territorial.

Ce pouvoir de dire non est pourtant positif en un sens où il prouve que le citoyen est concerné par l’avenir de son territoire, de sa ville mais surtout de son mode de vie. Ses actions démontrent qu‘en dehors du vote démocratique et de la représentativité du pouvoir, des hommes partagent la conscience et la responsabilité du monde de demain, l‘appréhension de son silence en dehors des périodes de choc et de deuil national.

 

C’EST MA VILLE, MA BATAILLE

Dans les conflits qui entourent les grands projets d’aménagement du territoire (infrastructures de transport, centrale énergétique…), difficile de dire quel parti est dans la vérité, et quel autre dans l’erreur. Un projet, quelque soit son objet, du lotissement au centre commercial, de l’aéroport au site industriel, se lit à deux échelles d’impacts, l’échelle locale et globale. La confrontation des intérêts doit être évaluée avec ce regard ascendant pour établir un programme, un projet, perfectible mais raisonné.

Il est vrai qu’aucun projet ne peut se garantir d’un arbitrage parfaitement objectif. Chaque parti voit à sa porte l’ombre du projet comme source de revenus ou de contraintes : pour l’Etat un nouveau pôle de liaisons internationales, pour la région une source de dynamisme territorial, pour la commune un réseau d’emplois à venir, pour le particulier une délocalisation et des nuisances (sonores ou visuelles).

L’action citoyenne apparaît en bas de l’échelon social et son pouvoir est limité. La question se répète alors pour moi : à partir de quand une action isolée devient-elle effective et considérable ? Faut-il attendre le collectif pour prendre la parole ? Quels sont les moyens d’action à notre disposition ?

  ©LOIC VENANCE/AFP      Le droit de dire non - Sité et cité atelier écriture architectes

 

En cette semaine agitée par les événements de vendredi 13, ces questions vont et viennent dans ma tête. L’élan collectif est un pouvoir potentiel très important, qui peut générer de très belles choses si l’intelligence s’allie à l’action.

Mais entre se révolter numériquement sur les réseaux sociaux et s’investir physiquement dans une cause collective, l’engagement individuel n’est pas le même et la portée différente. A chacun de trouver sa voix mais que la résistance tienne !

// APG, CDu et Grégoire

 

Le petit son de l’article : John Lennon– « Imagine »

3 réflexions sur “// LE DROIT DE DIRE NON

  1. Quel exercice difficile que celui de prendre la plume pour répondre aux armes et à l’effroi. Oui il est difficile et peut-être vain. Quel poids nos mots (permettez moi cette utilisations du « nous »), quelel portée à nos drapeaux brandis et à nos bougies allumées ? Et bien je veux croire qu’aucun geste n’est anodin. Je suis sortie le 14 novembre au soir et les bougies rencontrées, comme les trois couleurs sur Facebook m’ont donné le réconfort de l’appartenance à un groupe d’humain parfois solidaires. Parfois seulement mais parfois quand même… Oui je crois à l’impact réel de nos actes timides et maladroits mais sincères, et je terminerai en citant les mots de Margaret Mead
    « Ne doutons jamais qu’un petit groupe d’individus, conscients et engagés, puisse changer le monde, c’est d’ailleurs toujours comme cela que ça a commencé » Caroline

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