Afin de poursuivre la réflexion sur l’architecture contemporaine française et sur ces architectures qui « n’en jettent pas » comme le soulignait CDu dans son dernier article « Un peu d’architecture discrète », je vous propose un zoom sur l’architecture en Midi-Pyrénées. Depuis mon installation dans cette région que je ne connaissais pas avant d’y poser mes valises, j’ai découvert une production architecturale contemporaine de qualité relevant justement de cette « discrétion » mais aussi d’une certaine poésie, menée toujours par de petites agences, et, il arrive parfois, par des noms plus connus. Il s’agit d’une architecture qui peut s’appuyer sur l’architecture traditionnelle mais qui invente aussi une nouvelle écriture architecturale.
UN TERRITOIRE MULTIPLE
La région Midi-Pyrénées est une des plus grandes régions françaises et sera encore agrandie dans le remembrement régional par l’association avec la région Languedoc-Roussillon. Il s’agit d’un vaste territoire aux multiples aspects et spécificités, qui s’étire des Pyrénées aux contreforts du Massif Central. Ses paysages sont excessivement variés, des causses secs du Quercy, aux gorges verdoyantes de l’Aveyron en passant par les chaudes plaines de Haute-Garonne et par les hauteurs de l’Ariège. Sans oublier la forte culture Gasconne au cœur du Gers, et les bastides albigeoises. Historiquement la région est fortement marquée par la langue Occitane, la présence Cathare et protestante. C’est également une région marquée par ce que l’on appelle « la diagonale du vide », cette large bande traversant la France de la Meuse aux Landes, dont les territoires sont fortement marqués par l’exode rural du XIXe et XXe siècle. Les conséquences de cet exode résident notamment dans une très faible densité de population. On notera également que c’est une région essentiellement rurale dont la préfecture, Toulouse, reste l’unique « grand pôle », aujourd’hui excessivement attractif et dont le développement s’appuie sur le groupe aérospatial Airbus. Le reste du territoire est majoritairement agricole – la région est la deuxième plus productrice de France – et reste donc rural.
DANS LA DIVERSITÉ
La diversité paysagère que l’on peut observer en traversant les différents départements a impacté directement l’architecture traditionnelle : comme tout le monde le sait, historiquement les constructions se réalisaient avec les matériaux que l’on avait « sous la main ». Ce qui nous offre aujourd’hui une architecture excessivement variée marquée par la diversité des matériaux employés : terre crue, pierre blanche, brique foraine, chaux, Lauze, tuile canal, ardoise, tuile plate. Autant de couleurs et de matières qui impactent directement la mise en œuvre et les typologies.
Aujourd’hui c’est un vrai travail qui est engagé par les professionnels de la construction pour sensibiliser les populations à restaurer qualitativement leur bien afin de garder cette multiplicité ainsi que l’harmonie paysagère conférée par ces bâtisses construites avec les matériaux tirés des paysages alentours. On peut souligner le travail de La Maison de l’Architecture Midi-Pyrénées et des différents CAUE de la région (entre autres), qui proposent visites, conférences mais aussi suggestions de balades dans les différents départements tournées vers l’architecture contemporaine. Ces différentes actions promeuvent la sensibilisation des populations locales mais aussi des touristes à travers la découverte de ce patrimoine en éternelle élaboration. Des actions qui mettent également en lumière le travail des agences d’architectes locales ou d’ailleurs, dont les priorités sont le respect des territoires et des spécificités locales au travers d’une écriture architecturale contemporaine que l’on retrouve à la fois dans des projets de réhabilitation mais également dans ceux de constructions neuves.
COMPOSER AVEC L’EXISTANT
Comme je le soulignais plus haut, l’exode rural a eu des conséquences importantes sur les différents territoires de la région, laissant à l’abandon un nombre important de bâtisses, d’équipements, de fermes ou d’usines. Depuis un certain nombre d’années un retour à la terre s’opère et certaines de ces constructions sont réhabilitées un peu partout que ce soit par des propriétaires privés ou des opérateurs publics, redynamisant certaines communes. Les fonctions initiales de ces lieux sont transformées : des granges en maison, des fermes en restaurants, des manufactures en boutiques.
A l’image du projet d’agrandissement d’une grange sous la terre de l’agence PPA, ces projets ont pour vocation d’être à la fois discrets et poétiques, s’inspirant toujours des savoir-faire locaux. Dans le cas énoncé, l’agrandissement troglodyte est une référence directe aux « ories » (petits abris pour les bergers creusés dans la pierre) dont le but est d’impacter le moins possible sur le paysage ariégeois, tout en profitant du panorama.
Les transformations opérées par les réhabilitations se font à différentes échelles, parfois il s’agit d’une petite réorganisation intérieure dont l’impact à l’extérieur ne sera traduit que par des percements, ou parfois à plus grandes échelles par une organisation plus globale du site. Je prendrais pour exemple, car je le connais bien, le cas du Château de Nègrepelisse réhabilité en centre d’art par l’agence Catalane RCR, connue notamment pour le musée Soulage de Rodez, également situé dans la région. Leur démarche ici est de s’intégrer à la masse bâtie avec le plus de discrétion possible en respectant le plan du Moyen-âge autour de la cour. L’acier corten, résolument contemporain, épure l’espace pour souligner la volumétrie de la bâtisse historique ; de l’extérieur c’est à peine si l’on comprend que des transformations y ont été réalisées.
L’ensemble de ces approches a pour vocation de souligner l’identité ainsi que la mémoire des lieux, donnant une image forte au site, en proposant des volumétries, des cadrages sur le paysage et un impact visuel minimum afin de faire corps avec l’histoire et le territoire.
FAIRE DU NEUF AVEC [PRESQUE] DU VIEUX MAIS PAS SEULEMENT
Il arrive que les constructions neuves soit marquées par les matériaux et les typologies particulières des territoires, comme la maison « Bi familiale » de l’agence GGR ou « l’Eco centre bioclimatique » construit en terre et paille de Riscle, mais pas seulement. Des projets résolument contemporains aux formes audacieuses sont également dessinés, les matériaux liés aux constructions bioclimatiques sont de plus en plus utilisés et ces projets pour la plupart se développent avec des entreprises locales de construction et de matériaux. Ces projets se développent souvent en cœur de ville, en lui redonnant une image forte. Dans la région, les exemples sont là, notamment dans ces villes de moyenne importance comme Auch ou Montauban. Deux projets d’équipement ont particulièrement retenu mon attention, notamment parce qu’ils ont été primés par le prix d’architecture Midi-Pyrénées organisé tous les deux ans par la Maison de l’architecture Midi-Pyrénées et le Conseil Régional de l’Ordre. Il s’agit du cinéma de Auch dessiné par le collectif d’architectes Encore Heureux, et du centre d’hospitalisation psychiatrique en périphérie de Montauban pensé par l’Atelier d’ Architecture A4. Le premier a su éviter avec brio l’éternelle boite à chaussure de ces zones industrielles si bien connu qui ne suggère jamais par son architecture ce qu’il s’y passe à l’intérieur. Ici, l’équipe a réinterprété le principe des cinémas à fronton et s’est inspiré du bardage bois des séchoirs à tabac de la région en y associant un travail fort sur la signalétique pour livrer un projet haut en couleur et attrayant, qui marque ce nouveau quartier culturel de la petite ville de Auch. Le travail sur l’intérieur est également de qualité, les 5 salles sont dotées d’ambiances « climatiques » différentes, et certains mobiliers ont été réalisés sur mesure. Si vous passez dans le coin, allez-y, ça vaut le détour !
Le centre d’hospitalisation psychiatrique de Montauban est tout autre. Très discret il s’intègre au parc apaisant dans lequel il est construit, de plein pied les façades sont rythmé par un caillebotis en bois. Ces deux grandes caractéristiques sont là en réalité pour répondre à l’objectif sécuritaire imposé par le programme (notamment l’anti-défénestration), en effet le caillebotis permet un jeu d’ouverture ou de cloisonnement habile et non-oppressant. L’architecture générale, contrairement au projet de cinéma, dissimule avec délicatesse la fonction première du bâtiment.
DES PARTENARIATS DE QUALITÉ
Qu’ils soient très contemporains ou inscrit dans une démarche plus traditionnelle, ces projets ne nient aucunement ni l’histoire, ni l’identité des sites sur lesquels ils s’implantent, bien au contraire ils s’en inspirent afin de les sublimer. Et comme nous le soulignons dans l’article « Pour un architecte plus désirable », la réalisation de ces projets sont menés main dans la main entre l’architecte et le commanditaire, et témoigne de combien il est important que le regard de l’expert puisse s’associer à la volonté du propriétaire, surtout dans nos campagnes ! De quoi je l’espère, vous donner envie de passer dans le coin.
//APG
Image de couverture: Le projet d’extension sous la terre de PPA, la trouvez-vous sous la terre?
Pour aller plus loin:
Les balades proposées par La Maison de l’Architecture Midi-Pyrénées en Ariège, dans l’Aveyron , et dans le Gers et Haute Pyrénées.
Les prix d’Architecture en Midi-Pyrénées.
Le petit son de l’article : Nu– « Man O TO »