Pour la première fois, Site[et]Cité invite sur son blog un auteur qui nous livre un regard extérieur sur un sujet d’architecture que nous avons déjà traité sur le site. Camille Petit est journaliste, elle suit un master d’études européennes à la Sorbonne Nouvelle. En réaction aux articles publiés sur Palmyre par CDu et sur l’Urbicide par APG, elle nous livre aujourd’hui son regard sur une organisation internationale dont la mission première est de protéger le patrimoine architectural et paysager : l’ICOMOS.
Bonne lecture!
« Présentez une organisation culturelle internationale en dix pages ». C’est dans le cadre d’un dossier pour la Sorbonne Nouvelle que je me suis penchée sur les actions du Conseil international des monuments et des sites (Icomos), qui a pour mission de conserver et protéger le patrimoine matériel et immatériel mondial. J’ai fait ce choix peu après avoir vu les images bouleversantes de la destruction de Palmyre, un massacre de plus qui est venu s’ajouter à la (trop) longue liste des sites menacés par les guerres et les désastres écologiques. J’avais une question en tête : comment lutter avec des moyens pacifiques et démocratiques contre une telle barbarie ?
ORGANE CONSULTATIF DE L’UNESCO
L’Icomos a été créée bien avant l’émergence de Daesh sur la scène internationale. Il est né, en 1965, de la volonté de constituer une association de professionnels spécialistes de la conservation et de la restauration, qui irait au-delà des frontières. Il est en effet important de rappeler que jusqu’à la fin du XIXͤ siècle, le patrimoine architectural est pensé uniquement à l’échelle nationale. L’internationalisme au plan culturel nait seulement de la Première guerre mondiale, avec l’émergence de la Société des Nations en 1919, mais surtout de la Seconde guerre mondiale, avec la création de l’Onu et de l’Unesco en 1945. Aujourd’hui, l’organisation compte 9500 membres présents dans 144 pays.
L’une des missions principales de l’Icomos consiste à examiner les propositions d’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco. Ses experts sont sollicités pour évaluer selon une analyse « objective, rigoureuse et scientifique » si le bien représente un « chef d’oeuvre du génie créateur humain », un témoignage exceptionnel d’une tradition culturelle ou s’il offre un « exemple éminent » d’un type de construction. Pour l’inscription des biens « en péril », les experts évaluent si le site est menacé de « dangers graves et précis ».
Ça, c’est pour la théorie. Mais en pratique, quelle est la marge de manœuvre d’une organisation comme l’Icomos ? Dans quelle mesure parvient-elle à conserver et protéger le patrimoine mondial ? En regardant de plus près la situation en Syrie, on se rend compte que l’organisation se heurte à un certain nombre d’obstacles, pratiquement impossibles à surmonter.
- La difficulté de faire du terrain. La Syrie est en guerre, difficile donc pour les experts de l’Icomos de se rendre sur le terrain. L’évaluation en détail de l’étendue des dommages causés aux biens du patrimoine mondial est donc impossible.
- La coopération avec les États limitée. Selon un rapport publié par l’Icomos, la liste du Patrimoine mondial en péril est perçue par les États comme une « liste noire », comme une sanction. Par conséquent, dans de nombreux cas, ils sont peu disposés à soumettre à un contrôle international les biens situés sur leur territoire. En Syrie, l’Unesco et l’Icomos peuvent uniquement collaborer avec le gouvernement syrien, représenté par la Direction Générale des Antiquités et des Musées, dont les rapports ne correspondent pas toujours à la réalité de la situation.
- Des experts loin de refléter la diversité culturelle prônée par l’organisation. L’augmentation considérable du nombre de biens inscrits sur la liste du Patrimoine mondial au cours des dernières années rend le processus d’évaluation de plus en plus difficile. L’Icomos devrait pouvoir garantir la neutralité scientifique et la diversité culturelle qu’elle prétend défendre. Pourtant, selon une étude examinant les méthodes de travail de l’Icomos, près de 60% des membres de la commission viennent de la région Europe/Amérique du Nord, au détriment de l’Afrique et surtout des États arabes, fortement sous-représentés.
DE LA SENSIBILISATION A LA FORMATION
Si l’Icomos ne peut travailler avec les pays en guerre, alors à quoi sert-il ? En fait, l’organisation intervient aussi – et surtout – au niveau de la sensibilisation et de la formation. Et c’est certainement dans ce domaine que son action est la plus efficace. L’Icomos – avec l’appui d’autres organisations – a par exemple mis en place des zones de sécurité permettant d’épargner certains sites (notamment en communiquant les « no strike lists » aux avions engagés dans la coalition contre Daesh), elle milite pour former les douaniers aux différentes listes rouges des biens culturels en péril, pour renforcer les mesures concernant le marché de l’art et sensibiliser les syndicats de collectionneurs et de revendeurs. Enfin, devant la difficulté de se rendre en Syrie pour entreprendre des missions d’évaluation, l’Icomos a mis en place des cours de e-learning à distance. L’objectif est ainsi d’aider les experts syriens à faire face aux conséquences que le conflit armé a sur leurs sites et leurs collections de musées en les formant à gérer les situations d’urgence. Cette formation est une solution pensée sur le long-terme avec l’objectif de renforcer les compétences des experts qui joueront un rôle majeur après, dans la phase post-conflit.
Est-ce assez ? Probablement pas. Surtout que Daesh a décidé de faire du patrimoine une véritable arme de guerre idéologique. Il semble que rien, rien ne puisse l’empêcher de détruire. Mais la reconquête de Palmyre par les troupes gouvernementales syriennes laisse entrevoir un rayon de soleil dans ce nuage de poussière. Selon un article paru sur Le Monde.fr, 80% de l’architecture du site archéologique n’auraient pas été touchés – bien que les deux principaux sanctuaires, Bêl et Baalshamin, aient été entièrement réduits en amas de pierres. Évaluer, restaurer voire reconstruire, telle sera donc la mission de l’Icomos et de l’Unesco dans les décennies à venir. Les archéologues sur place ont toutefois de quoi douter devant l’ampleur du travail à accomplir : « L’Unesco va-t-elle envoyer des experts et trouver l’argent pour réaliser ce programme ? » s’interroge Michel Al-Maqdissi, le responsable des fouilles et des études archéologiques de Syrie. Assurément, il le faudra. Ce sera sans doute long, périlleux et coûteux. Mais essentiel à la reconstruction du pays tout entier.
// Camille Petit
Pour aller plus loin :
– Icomos France vidéo – Regards croisés sur 50 ans d’histoire au service du patrimoine :
– Article du Monde « Pourra-t-on reconstruire Palmyre après les destructions de l’État islamique ? »
– Conférence sur le patrimoine du Moyen-Orient : enjeux géopolitiques et archéologiques, le 4 avril à 18h au Palais du Louvre.
Bonjour Clotilde,
C’est très étrange, normalement il n’y pas forcément besoin de se connecter à un compte pour liker…Ou alors il faut être soi-même un membre de la communauté des blogueurs…Nous allons chercher et trouver une solution, mais c’est vrai que nous ne sommes pas des professionnels de la communication!En tous les cas, merci pour votre fidélité et votre réactivité sur le blog, c’est toujours un plaisir de vous savoir parmi nous!A vous lire,
Grégoire
De : clotilde barto À : Site et cité Cc : Anastasia Procoudine-Gorsky ; Grégoire BRUZULIER Envoyé le : Samedi 2 avril 2016 14h45 Objet : Re: [Nouvel article] FOCUS SUR L’ICOMOS // COMMENT PROTÉGER LE PATRIMOINE SYRIEN ? Bonjour tous les 3,Impossible de « liker » vos articles & de demander un nouveau mot de passe , le blog ne me reconnaît pas .Que faire ?Clotilde barto
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Bonjour tous les 3, Impossible de « liker » vos articles & de demander un nouveau mot de passe , le blog ne me reconnaît pas . Que faire ? Clotilde barto
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