// MISS YOU MIES

unspecifiedArticles liées à la rubrique L'architecte sur site et Cité, atelier d'écriture pour jeunes architectesA l’ENA, chaque année de promotion porte le nom d’une personnalité politique influente qui accompagne les étudiants jusqu’après leur sortie d’école. A l’école d’architecture de Paris-Malaquais (où nous avons fait nos études), point de rituel comme cela, mais cela dit, si il est un architecte parmi tant qui a retenu notre attention et accompagné et inspiré nos études, il s’agit bien de Mies. Ludwig Mies Van der Rohe. La star au Cigare !!

 Cette semaine, nous vous proposons un regard croisé sur cet architecte en décrivant pour chacun de nous, comment son travail et sa personnalité continuent d’être une référence de choix et d’influencer notre approche de l’architecture. Un architecte qui nous marque essentiellement car il a su remettre en question les codes établis, nous rappelant ainsi que l’architecture s’interroge perpétuellement !

 LA SOBRIETE COMME EXPERIENCE INTERIEURE par APG

A l’ESA Paris Malaquais, avant que la première année commence, un professeur emmène les nouveaux étudiants à la découverte des quartiers environnant l’école. L’objectif de la visite est d’offrir un premier regard sur la ville afin de nous faire entrer en douceur dans le monde de l’architecture. Lors de cette journée une phrase énoncée par notre guide professeur m’a particulièrement marquée et est restée figée en moi : « L’architecture ce n’est pas les murs que nous construisons, c’est le vide créé par les murs ». Pour ainsi dire, ce n’est pas tant la matière qui est importante dans l’architecture que l’espace que la matière crée.

Ce guide professeur c’est Pierre David, il a été un de mes enseignants en première année de Licence et en première année de Master, il s’est attaché à nous montrer que l’architecture est une expérience et non, seulement, un cahier des charges.

Cette expérience architecturale je la ressens dès que je pose un pied dans un bâtiment réalisé par Mies van der Rohe, j’imagine que cette vision qu’a Pierre David de l’architecture, a certainement été puisée un peu dans l’approche de Mies van der Rohe, celui qui a révolutionné l’architecture, qui a créé avec Le Corbusier et Walter Gropius, l’architecture moderne. Une architecture, de prime abord, toute en simplicité allant à l’essentiel, tout en optimisant l’usage que pourra en faire celui qui la pratique, mais tout cela avec magie !

Il arrive que ceux qui n’ont pas été sensibilisés à l’expérience architecturale soient parfois frustrés face à la simplicité exacerbée des bâtiments de Mies van de Rohe : des lignes claires, du verre et du métal, des matériaux bruts sans artifices, des constructions sans ornements. L’architecte allemand a réinterrogé les codes de l’architecture en rendant simple et évident ce qu’il considérait comme complexe et surchargé.

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Il n’associe pas des pièces cloisonnées ensemble mais crée un tout composé d’espaces ouverts communicants entre eux réalisant ainsi des effets spatiaux. Il a donné avec beaucoup d’élégance de l’air et du souffle à une architecture étriquée en reliant avec justesse l’intérieur et l’extérieur, à la manière des japonais dont je parlais dans mon précédent article. L’architecture n’est alors plus pensée seule mais en lien avec son environnement. Si la façade opaque dans notre architecture traditionnelle était le point de rupture entre le dedans et le dehors, Mies l’a transformée et remplacée par des façades vitrées créant ainsi des profondeurs et des jeux de point de vue nouveaux dans l’espace habité tout en y faisant entrer la lumière. La façade n’est plus une limite, elle permet la continuité. A travers ses bâtiments, il a rendu palpable ce vide dont parlait Pierre David lors de cette visite. Trop souvent quand nous entrons dans un édifice antérieur au XXe, nous sommes ébahis par la beauté des sculptures, des peintures, des ornements sans nous rendre compte de la beauté de l’espace. Mies a mis en valeur cette beauté.

Et au-delà de la dimension esthétique de cette architecture il a simplifié l’usage que l’on a de l’architecture en interrogeant les moyens pour rendre l’architecture plus lisible aux habitants. L’homme au centre de l’architecture : l’un des préceptes fondateurs de l’architecture moderne.

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Hélas aujourd’hui les préceptes de l’architecture moderne ne veulent plus rien dire. Il suffit d’avoir un toit plat et une fenêtre bandeau ou une baie vitrée pour croire que l’on vit dans un bâtiment moderne … si seulement cela était si simple. La simplicité majestueuse est une recherche perpétuelle pour tomber juste !

 LE SENS DE LA PENSEE par GBr

Mies van der Rohe fait partie de ces architectes de la première moitié du XXe siècle qui ont écrit et dessiné les formes architecturales et les théories de l’urbanisme dont nous avons hérité après la Seconde Guerre Mondiale.

Largement influencé par des mouvements issus de l’art moderne, mais trouvant des traductions formelles concrètes dans l’architecture – comme les futuristes italiens ou le mouvement hollandais De Stijl – Mies s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle génération d’architecte qui cherche à s’affranchir des modèles esthétiques classiques (des Beaux-Arts) pour embrasser la modernité sous toutes ses formes. , mais replacée dans le contexte culturel et social du début du XXe siècle, on peut aisément comprendre le positionnement de l’architecte. L’ère industrielle bat son plein et les nouvelles techniques de construction offrent des possibilités formelles nouvelles que les architectes souhaitent explorer. Par ailleurs, l’évolution rapide de la société et le besoin urgent de loger les classes ouvrières – qui immigrent massivement dans les villes industrielles – conduit les architectes à repenser l’habitat. Ils travaillent de même à de nouveaux codes esthétiques répondant à la fois à des besoins fonctionnels et des mises en œuvre simples. Ce qu’on appellera plus tard le « Mouvement Moderne » nait au cours de cette période, et Mies en l’est l’un des acteurs les plus emblématiques, avec Le Corbusier et Walter Gropius.

Au-delà de l’idéologie comme fondement d’une nouvelle architecture fonctionnaliste et épurée, Mies participe activement à une large réflexion sur le logement et l’habitat. Il dirige à la fin des années vingt une vaste opération de village-expo grandeur nature à Stuttgart dans le quartier de Wiessenhof où il coordonne dix-sept architectes pour la réalisation d’un quartier d’habitat moderne, véritable vitrine des idées d’avant-garde des années vingt. Et c’est bien en cela que Mies était un maître, il veillait à transmettre.

De 1930 à 1933, il dirige l’école du Bauhaus, fondée par son camarade Walter Gropius une dizaine d’année plus tôt. Il s’agit d’une école d’enseignement des arts décoratifs sous formes d’ateliers animés par des maîtres. Sous l’influence de Gropius, l’école devient un lieu central de la diffusion de la pensée moderne de l’architecture et de l’urbanisme à travers l’Europe. Mies poursuit l’œuvre de son prédécesseur et accentue la relation entre la création (architecturale, artistique, etc.) et le processus de production industriel. Il poursuit la recherche formelle de la pureté alliée à la fonctionnalité dans le mobilier ou encore la serrurerie, se transformant ainsi en un architecte « classique », artiste complet et accompli. S’il a décidé de rompre avec les codes traditionnels de l’architecture, c’est aussi en raison de l’inertie des courants classiques qui n’ont pas su à cette époque se renouveler et accueillir les problématiques modernes, réservant l’expression architecturale aux seules élites.

Mies voulait trouver dans la technique des réponses appropriées aux nouveaux besoins de la société, et pour cela il a dû trancher avec le passé. Malheureusement, l’émergence du Mouvement Moderne est passée par une certaine radicalité et nous devons aujourd’hui faire marche arrière pour apprendre à (re)lire l’architecture traditionnelle non pas comme une forme désuète, mais comme l’expression d’une culture rattachée à une époque.

Acteur de son temps, homme de pensées et d’action, Mies aura su jouer avec son crayon de la vieille Europe à la jeune Amérique où il construisit de nombreux gratte-ciel. L’une de ses œuvres européennes qui m’a le plus marqué reste la Neue Nationalgalerie de Berlin, un bâtiment manifeste de l’art moderne et de la pensée fonctionnaliste, entièrement en acier et verre, une véritable prouesse technique et esthétique.

LES SENS DU DETAILS par CDu

Mies Van der Rohe est connu pour être un maître du Bauhaus, un architecte au talent incontesté. Pourtant en termes de contestation, un aspect de son approche architecturale m’éloigne considérablement de lui.

De son travail, je retiens de façon presque iconique son jeu des lignes épurées, ses surfaces vitrées qui floutent les limites entre l’intérieur et l’extérieur, la légèreté de ses structures. Plein de qualités … tant que personne n’a envie de rapprocher sa chaise de la table ou de pousser un meuble. Effectivement Mies Van der Rohe avait un tel soin du détail qu’il dessinait lui-même les mobiliers de ses maisons et pouvait pousser le vice jusqu’à fixer au sol les pieds des meubles pour celer leurs emplacements et préserver l’équilibre parfait de l’espace composé de vides et de plein, de couleurs et de blanc, d’ombre et de lumière.

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Bien que très théâtral, ce sens du détail vire selon moi à une obsession, incompatible avec la liberté de l’utilisateur. L’épure excessive empêche l’habitant de s’installer dans le lieu, de le faire vivre tout simplement. Certains de ses ajouts seront peut-être malheureux : antennes satellites, bric-à-brac stockés sur des balcons, on connaît ce genre de désordre. Mais ces désordres justement sont le signe de l’appropriation des lieux par l’habitant. Le bâtiment remplit sa tâche, il vit et fait vivre en son sein les occupants qui l’habitent.

J’ai déjà évoqué ce que je pense des architectes qui dénient les hommes pour une architecture en no man’s land et ce qui est vrai pour la représentation photographique des projets, l’est d’autant plus pour l’appropriation physique des lieux. Les évènements qui arrivent à l’architecture, comme à l’art (lien vers réaction d’Anish Kapoor suite à la dégradation de son œuvre Dirty Corner) d’ailleurs quand il est mis à la disposition du public, font partie du processus naturel de traversée du temps de l’œuvre. Celle-ci ne peut rester identique aux choix esthétiques et fonctionnels décidés par l’architecte au temps de sa conception. Les habitants déménagent, les usages changent, le bâtiment doit se transformer. Rien n’est fait pour durer, la création n’est qu’un moment.

APG nous a montré dans son article sur les maisons japonaises, une approche tout autre de la durabilité des bâtiments et de la flexibilité de l’espace intérieur destiné à l’appropriation de l’utilisateur. Une approche en grand écart par rapport à la conception de Mies. Cela dit, si j’avais la chance de posséder une chaise Barcelona dessinée par le maître, je pourrais me contenir et ne pas la bouger d’un pouce !

// L’équipe de Site et Cité

Pour aller plus loin:

 

Le petit son de l’article : »Prince_Sexy MF »

 

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