Afin d’illustrer ce cycle d’articles qui met à l’honneur le bois entamé par Grégoire et poursuivit par CDu la semaine dernière, quoi de plus évident que de vous présenter l’architecture écologique du Vorarlberg. Comme l’a souligné très justement CDu dans son article « Le bois ne fait pas le moine », il ne suffit pas que le bardage d’une construction soit en bois pour que cette dernière soit une construction écologique ! La construction écologique est bien plus complexe et le bardage bois n’est pas un élément incontournable de sa conception. Une construction écologique fait partie d’un tout qui va au-delà de la seule forme bâtie et de son aménagement intérieur. Elle relie également plusieurs éléments externes (aspects sociaux, économiques, et politiques entre autres) mais fondamentaux à la cohérence du projet. Le land du Vorarlberg l’a bien compris et fait partie des références majeures en termes d’architecture contemporaine respectueuse de son environnement mais également de son histoire et de ses traditions constructives.
POUR UN PROJET COMMUN
C’est dans les années 80, au cœur de ce petit land autrichien qu’un groupe d’architectes a entrainé avec lui les habitants du coin, afin de mener une réflexion complexe sur le développement durable. Si le land était à l’époque très pauvre, il est aujourd’hui un des plus riches du pays. Et ce, grâce à l’implication des habitants et d’une politique locale engagée, puisque c’est l’écologie et le développement durable qui sont à l’origine de ce boom économique.
Ensemble, ils ont misé sur la construction neuve à travers l’exploitation raisonnée des ressources du land en travaillant avec les entreprises locales, mettant ainsi en valeur les savoir-faire ancestraux qui réinterprètent les codes architecturaux historiques. Le Vorarlberg s’est vu devenir en quelques années un vrai laboratoire d’architecture durable.
C’est avant-tout la cohérence humaine et l’engagement des habitants du land qui a permis l’émergence du rayonnement de Vorarlberg. Très engagées dans leur territoire, de nombreuses associations et même une monnaie locale ont été créées, afin de rendre réelle une société solidaire et profondément humaine. C’est ainsi un vrai modèle de société qui a vu le jour, poussant les uns et les autres à abolir les principes de concurrence que l’on peut retrouver dans le monde de la construction.
Un projet sociétal qui trouve ses racines dans la volonté de proposer des habitations de qualité à faible coût sur un territoire historiquement pauvre. Une pauvreté qui aura appris à ses habitants à être autonome en puisant le meilleur de ce qui les entourait et en collectivité. Construire fait partie de l’identité des habitants de la région.
REINVENTER LES TRADITIONS
Si les maisons du Vorarlberg ont toujours été construites en bois, le pari était ici de réinterpréter les codes architecturaux tout en gardant les savoir-faire. Si de nombreuses maisons individuelles mettent à l’honneur l’architecture traditionnelle à travers de grands pans de toits, des galeries en façades, des constructions dans la pente, de nombreux projets ont une écriture bien plus audacieuse, mais répondent toujours aux principes de la construction passive : performance en économie d’énergie et compacité.
La compacité est un élément majeur de l’architecture écologique, car elle évite la perte d’énergie. Elle impose aux architectes de réaliser des bâtiments capables de répondre au mieux aux usages et aux pratiques des propriétaires tout en répondant aux exigences de la maison passive et à faible coût !
Le travail de conception et d’aménagement intérieur est en réalité le travail le plus important à mener pour les architectes, car un projet mal pensé aboutira à un bâtiment peu durable à la fois dans le temps, dans ses coûts mais également dans sa praticité. Trop souvent on dissocie la construction pure de l’aménagement intérieur comme si cela appartenait à deux corps de métier différents. J’entends toujours « tu es architecte d’intérieur ou de construction ? ». Comme si un architecte n’était là que pour monter des murs et non pas pour penser l’intérieur de ce que les murs contiennent, mais les murs sont souvent le résultat de ce qu’ils contiennent. Dans un bâtiment tout court, mais encore plus dans un bâtiment écologique l’organisation intérieur est révélateur d’un projet réussi ou non.
Et c’est bien cette compacité qui relie l’ensemble des projets du Vorarlberg respectant à la fois les sites sur lesquels ils sont inscrits et les ressources. La nature devient donc l’élément majeur à mettre en valeur et à respecter. Les habitants du Vorarlberg respectent cette nature, à la fois à travers un usage raisonné de ses ressources (47% du land est composé de forêt qui alimentent la filière bois du coin), une écriture architecturale non envahissante et des constructions basse consommation.
Dans le land personne n’a peur d’utiliser des panneaux photovoltaïques et des installations thermiques. Et depuis 2007, toutes les constructions sociales neuves doivent répondre au standard du bâtiment passif, et l’on pousse les propriétaires de maisons individuelles à en faire de même grâce à un système de crédit à taux préférentiel et par des primes à l’installation d’énergies renouvelables.
L’ECOLE DU VORARLBERG
Ce laboratoire à ciel ouvert a donné naissance à l’école du Vorarlberg qui se veut simple, pragmatique et innovante ; les matériaux sont utilisés de façon intelligente et travaillés avec soin jusque dans les détails avec des petites entreprises proches des chantiers. Le style reste toujours épuré, mêlant bois, verre, pierre.
La créativité quant à elle a toute sa place. Les professionnels de la construction qu’ils soient ingénieurs, architectes ou maîtres charpentiers ne reculent pas devant des projets préfabriqués de qualité à faibles coûts ou à soutenir des maisons « minimales » auto-construites.
L’architecture locale ne se limite pas aux maisons individuelles : de nombreux projets d’envergure voient le jour mettant à l’honneur les prouesses techniques et les avancées d’ingénieries. Car ce n’est pas seulement le bois qui est utilisé dans la région mais aussi le verre, l’acier et le béton. Des matériaux toujours utilisés dans un but énergétique puisque panneaux de verre et béton contribuent à emmagasiner de la chaleur et à la redistribuer. C’est en se promenant dans tout le land que l’on peut découvrir à travers les maisons et les bâtiments publics l’ingéniosité de ces créateurs toujours plus audacieux.
POUR DES CONSTRUCTIONS ADAPTÉES A LEUR SITE D’IMPLANTATION
Si le bois est l’élément phare dans la région, c’est parce qu’il est un matériau utilisé depuis toujours et qui coule de source dans son contexte. Aujourd’hui, il arrive que l’on fasse un raccourci en associant bois et écologie. Dans certaines régions de France, le bois n’a jamais été utilisé, alors que d’autres matériaux que l’on oublie, notamment la terre, car associée à une image repoussante, sont de merveilleux moyen de rendre un bâtiment écologiquement, socialement et économiquement viable. Des matériaux qui permettent de construire des projets qui se fondent dans le paysage, et qui font écho aux maisons traditionnelles tout en gardant dans les constructions neuves une écriture architecturale plus contemporaine. Des matériaux que l’on trouve sur place et qui font appel à des savoir-faire locaux. Pourquoi utiliser du bois venu de l’autre bout de la France, ou plus loin encore pour construire des chalets en Provence ? Ce n’est économiquement pas viable et surtout le transport est ce qu’il y a de plus polluant dans la construction.
Le Vorarlberg est un magnifique exemple d’intelligence et de sensibilité collective qui a su mettre en œuvre un projet d’envergure plein de bon sens. Quoi de plus évident que d’exploiter les ressources et les savoir-faire locaux ? Fallait-il être autrichien pour y penser ?
//APG
Pour aller plus loin le très beau livre « L’architecture écologique du Vorarlberg » par Dominique Gauzin-Muller.
Le petit son de l’article : Naive New Beaters feat Izia – « Heal Tomorrow »