// LES METROPOLES AFRICAINES AU REGARD DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

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Image à la une de La ville en débat sur Site et Cité, atelier d'écriture pour jeunes architectes

Les métropoles africaines : vaste sujet ! Pour nous, ce cycle était un moyen de nous pencher sur un sujet que nous ne connaissons pas, mais qui nous intéresse pour de multiples raisons. L’Afrique est un continent immense qui rassemble des réalités kaléidoscopiques et dont les images qui nous parviennent s’entrechoquent sans laisser entrevoir complètement ce qui s’y passe réellement.

D’un côté nous est dépeint la pauvreté, la faim, les maladies, la violence, les bidonvilles. De l’autre des images de cartes postales avec des safaris et des paysages à couper le souffle sur lesquels vivent des peuples mythiques. Des images caricaturales qui traduisent les fantasmes les plus fous. Qu’en est-il vraiment ? Je ne saurais le dire.

Toujours est-il qu’aujourd’hui des métropoles se développent aux  quatre coins du continent et si leurs problématiques sont diverses, certaines études montrent que ces villes souffrent des mêmes maux.  L’enjeu majeur sur lequel s’accordent les experts est que l’urbanisation du continent se confronte de plein fouet aux enjeux du changement climatique. Ainsi « la ville africaine reste à réinventer », car elle ne peut continuer à se développer comme elle l’a fait jusque là.

TRISTES CONSTATS

Les conséquences du changement climatique sont nombreuses et fonctionnent en cascades. Les catastrophes météorologiques ont doublé ces 25 dernières années, alternant entre périodes de sécheresse de plus en plus longues et inondations engendrant morts et migrants écologiques. Les précipitations se voient modifiées, les glaciers disparaissent, tarissant les sources, les cours d’eaux s’assèchent, le niveau des fleuves baisse rendant l’accès à l’eau très compliqué voire impossible à certains endroits du continent.

Ces modifications impactent directement l’agriculture et l’alimentation que ce soit pour les plantations ou le bétail dont certains cheptels disparaissent entièrement par manque d’eau. L’Afrique de l’Est vit actuellement une crise alimentaire sans précédent.

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Troupeaux décimés par la sécheresse au Kenya

De plus, l’augmentation de la température, la sécheresse, les tempêtes de sables ont des conséquences directes sur la santé des populations : réduction de la qualité de l’air générant maladies et problèmes respiratoires, stress thermique, propagation du paludisme, malnutrition. Les personnes âgées et les enfants en sont les premières victimes et les femmes, quant à elle, en plus d’assumer les tâches liées à leur travail et leur responsabilité maternelle, se voient souvent chargés de faire plusieurs kilomètres à pied pour trouver de nouveaux points d’eau fragilisant ainsi un peu plus leur santé.

Le logement est également directement impacté par les inondations et les sécheresses qui ont détruit villages et abris ; face à ces phénomènes extrêmes les populations se déplacent en masse vers les villes, ou vers d’autres pays, engendrant des conflits. Des conflits qui ont souvent pour origine l’utilisation des ressources naturelles, fragilisant ainsi la sécurité des pays. Sans évoquer l’impact sur la biodiversité, également ébranlée dont de nombreuses espèces voient leur territoire disparaitre ainsi que leurs ressources.

Ce constat synthétique et alarmant et pourtant bien réel dresse un petit portrait des enjeux auxquels sont confrontés les gouvernements des pays africains qui n’ont en réalité pas d’autres choix que d’inventer de nouveaux modèles de développements. 

DÉVELOPPEMENT URBAIN TOUT AZIMUT

La population du continent africain subit en première ligne l’ensemble des catastrophes inhérentes à ce changement. Devant cette confrontation violente et quotidienne, les pouvoirs en place sont obligés de réagir et tentent par tous les moyens de maitriser le développement urbain, de le rendre durable. En effet, le développement urbain des villes africaines, comme celles du reste du monde, a un impact direct sur les pollutions mondiales. A nous de constater que ce sont ceux pris au pied du mur qui prenne conscience des réalités, au contraire des gouvernements occidentaux qui n’arrivent toujours pas à prendre la mesure de la gravité du processus en marche, et se croient en avance sur le « bon modèle d’urbanisation ».

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Petit tour d’horizon des images promotionnelles des métropoles africaines.

Le continent africain s’urbanise aujourd’hui plus que nulle part ailleurs (+ 3,4% par an en moyenne, selon ONU-Habitat). Toujours selon ces prévisions, entre 2010 et 2020, la croissance moyenne des grandes villes sera de 51% et le nombre d’urbains atteindra 60% de la population continentale en 2040. En 2014, 47 villes comptaient plus d’un million d’habitants et 120 dépassaient les 500 000. Ede Ijjasz-Vasquez, chef au pôle Développement social, urbain et rural, et résilience des Pratiques mondiales, rappelle qu’« aucune économie n’était passée du statut de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire sans une phase d’urbanisation. L’urbanisation est une composante essentielle de la croissance et la clé pour extraire des populations et des pays entiers de la pauvreté. » Mais ce constat n’est pas homogène d’un pays à l’autre et d’après ces mêmes analyses les pays côtiers sont plus urbanisés que les pays ne possédant pas de façade maritime, de plus les pays les plus riches s’urbanisent beaucoup plus vite.

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Cette urbanisation reste toutefois souvent chaotique et discriminante, beaucoup de quartiers sont informels, l’accès aux services essentiels (eau, assainissements, sécurité, traitements des déchets, santé, éducation) n’est pour ainsi dire que très peu assuré, les métiers urbains sont quasi-inexistants. Or cette urbanisation galopante ne peut continuer dans ce sens car elle continue de creuser les écarts de pauvreté au sein des villes, mais également entre villes et campagnes, et ne saurait offrir des conditions de vies décentes à l’ensemble de ses habitants.

N’oublions pas que ces pays héritent des modèles coloniaux qu’on leur a légués, et comme le souligne la Banque africaine de développement « La structure urbaine de bon nombre de pays n’était pas conçue à des fins de développement, mais pour favoriser le contrôle et l’exploitation économique par l’administration coloniale ». Certains pays continuent de souffrir de la main mise omniprésente de l’occident, voir maintenant du gouvernement chinois très bien implanté à travers le continent. Une présence qui calque des modes de gouvernances, de constructions (béton, tours de verre, climatiseurs à gogo etc …) et de planifications (immeuble d’habitation individuel entre autre) bien connu chez nous mais non adaptés aux modes de vies (utilisation de l’espace publique, vie en communauté, métissage etc … )  et aux territoires des différents pays africains.

SO WHAT ?

Alors si dans mes recherches j’ai découverts beaucoup d’analyses d’occidentaux sur la question de la transformation de l’urbanisation, j’ai également découvert des analyses et des volontés émanant directement du continent africain. De nombreuses instances africaines se concertent avec des spécialistes du monde entier pour réfléchir ensemble à des modes de gouvernances et de planification cohérents à leur mode de vie et leurs ambitions. De multiples outils sont ainsi créés.

D’après la banque africaine de développement, les villes doivent créer un lien solide entre elles et leurs campagnes pour réduire d’abords l’exode rural dont la raison première est la pauvreté, une pauvreté que les gens continuent de vivre une fois en ville en raison de la raréfaction de l’emploi. En aidant les ruraux à développer leurs activités, quand c’est encore possible de le faire, c’est à la fois répondre au modèle idéal (autonomie, propriété) d’une grande part de la population et c’est revitaliser des territoires en phase d’abandon dont la culture ancestrale doit pouvoir continuer d’exister en soutenant entre autre, les constructions vernaculaires respectueuses de son environnement, pour l’habitat et les infrastructures. Il est également nécessaire de déconcentrer les pouvoirs afin de mieux réorganiser les espaces de peuplement selon une articulation ville-campagne en donnant plus de pouvoir à l’administration locale et aux autorités municipales beaucoup trop effacées jusque là. De cette façon, les politiques nationales pourront prendre en compte les intérêts et contributions du monde rural dans la formulation de la politique urbaine.

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L’urgence alimentaire @ Jean Claude Braun

Au mois de Mai, le Forum Ministériel Africain sur l’habitat et le développement urbain dont le thème était « réinventer l’urbanisme africain » s’est rassemblé et souligne la nécessité de définir une politique urbaine nationale dans chaque pays, qui devrait s’appuyer sur trois piliers essentiels : un dispositif institutionnel partenarial (dont les responsabilités doivent être bien établies et dont les instances de supervision et de coordination doivent être clairement définies), un cadre règlementaire facilitateur (les principales réglementations à évaluer et à ajuster portent sur l’utilisation des sols, sur les responsabilités des acteurs, sur la qualité des constructions, sur le respect de l’environnement, sur les droits des habitants et sur la protection des personnes vulnérables), et des instruments financiers novateurs et efficaces (à travers les transferts inter-gouvernementaux, dont dépendent de nombreuses municipalités africaines, les taxes sur les entreprises et les charges tarifaires sur les services marchands entre autres).

Enfin, apparait le concept de ville résiliente sur le continent, illustré par la sélection de la ville de Dakar en 2014 à l’initiative « 100 villes résilientes » de la fondation Rockefeller, qui alloue un budget de 100 millions de dollars pour renforcer la résilience urbaine à travers le monde. Ce choix se justifie par Michael Berkowitz, directeur général du programme, pour différentes raisons. « En premier lieu, le concept de résilience à l’échelle d’une cité se confond aisément avec la situation actuelle d’une ville comme Dakar. Si on définit la résilience par la capacité d’un système, d’une entité, d’une communauté ou d’une personne à résister à un choc, tout en conservant ses fonctions essentielles, Dakar et sa région illustrent admirablement cette faculté à dépasser et absorber les contraintes d’une urbanisation galopante couplée aux sévices que provoquent des inondationsquasi-annuelles.
Et pourtant, ces maux n’entravent pas le fonctionnement du poumon économique du pays qui se départit tant bien que mal de ses vulnérabilités. Pour autant et dans le futur, ces dernières d’ordre environnemental, économique, sanitaire, social sociologique peuvent être à même de congestionner durablement le fonctionnement de la cité dans le rôle qui lui échoit ainsi que sa qualité de vie. »

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Vue sur Dakar

Vaste programme …

 ACTION !

Les échelles d’actions sont donc variées et multiples : du global au beaucoup plus spécifique en passant par des outils très formels pour finir par des concepts clés illustrés par des exemples concrets. La prise de conscience de l’importance de changement de modèle semble bien présente et d’une certaine façon, rassure. Si les Etats, le monde scientifique et la société civile s’unissent de concert, en adaptant les réponses et les méthodes aux spécificités locales, à travers une approche participative et transparente, des projets haut en couleurs devraient voir le jour. Et si le concept de ville résiliente basé sur le principe d’adaptation à un contexte très contraint devient aujourd’hui le modèle incontournable dans le monde, pour « nous sauver des catastrophes à venir », les villes africaines à la manière de Dakar, ne le sont elle pas toutes déjà un peu ?

//APG

Pour aller plus loin :

Le petit son de l’article : Ismaël Lo « Manko »

 

 

 

 

 

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