// SAIGON HOUSE, UN PROJET D’ARCHI A LA VIETNAMIENNE

2.jpgImage à la une de La belle architecture sur Site et Cité, atelier d'écriture pour jeunes architectes

Pour ce début d’année 2017, je vous propose de partir en voyage à la découverte d’un projet d’architecture situé à Ho-Chi-Minh-Ville, anciennement appelée « Saïgon », au Vietnam. C’est un petit projet de réhabilitation que j’ai découvert il y a quelques mois et qui m’a beaucoup touchée. Loin des codes architecturaux occidentaux, il met à l’honneur l’architecture locale et les pratiques vietnamiennes. Plein d’ingéniosité, il tire merveilleusement parti de l’étroitesse de la parcelle sur laquelle il est implanté, pour créer un lieu magique et insolite plein de caractère et de charme.

Petite visite de cette jolie réalisation où l’on imagine qu’il y fait bon vivre !

L’agence d’architecture A21Studio est vietnamienne, fondée en 2009, elle rassemble sept collaborateurs et est implantée à Ho-Chi-Minh-Ville. L’équipe d’architectes travaille sur des projets très variés répondant aux échelles les plus diverses, de l’aménagement et l’optimisation d’un petit étal pour marchands à une salle des congrès. Mais ce n’est pas tout, travailler pour les particuliers lui tient à cœur. La maison en cabanes qu’elle a réalisé pour Madame Du, reflète bien la façon dont l’agence sait se mettre au service de ses clients pour créer un lieu à l’image de ceux qui y vivront, répondant ainsi à leurs volontés les plus profondes.

  • Une maison de famille

Madame Du souhaitait offrir aux siens une vraie maison de famille. Mère de 7 enfants et grand-mère de 5 petits enfants, elle voulait qu’ils aient un lieu où fabriquer des souvenirs. Dans un vrai souci de transmission, elle a demandé à l’équipe d’architectes de transformer cette parcelle étroite en maison traditionnelle de Saïgon, tout en pensant l’espace de façon moderne, mais en refusant l’occidentalisation des maisons neuves qui poussent à travers le pays. Une partie des espaces a été créée pour que ses petits enfants puissent s’amuser librement, sans entraves, offrant à cette maison un caractère magique. Le reste des espaces a été pensé pour que les plus grands puissent se rassembler, tout en pouvant s’isoler au calme. Cette maison devait être pour Madame Du un lieu d’échanges et de vivre ensemble à la façon dont elle a grandi dans sa famille quand elle était plus jeune. Les meubles qu’elle aime sont mis en scène, il y a juste ce qu’il faut, la maison n’est pas surchargée. De cette manière elle espère créer un environnement favorisant les souvenirs, la mémoire familiale et celle des traditions.

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  • Une maison pour rendre hommage

Une autre des motivations de la propriétaire pour construire cette maison a été celle de rendre hommage à Vuong Hong Sen (1902-1996). Un érudit collectionneur du sud du Vietnam, autorité culturelle, académicien et expert en archéologie, qui, à sa mort possédait plus de 800 pièces d’antiquités formant alors une riche collection dont les plus vieux objets dataient du XIIe siècle. Le souhait de Vuong Hong Sen était d’exposer dans sa propre maison son trésor après sa mort qu’il légua à l’Etat Vietnamien, espérant qu’un musée soit fondé en son honneur. Mais 20 ans après, rien n’a été mis en place et la maison est aujourd’hui une ruine. Madame Du refuse que ce qu’elle a bâti à la fois matériellement mais également humainement subisse le même sort. La préservation de la mémoire de la famille et des lieux est pour elle primordiale et elle cherche ainsi à y sensibiliser profondément sa progéniture.

  • Une organisation insolite

Cette maison n’a rien de très classique, installée sur une parcelle rectangulaire longue, haute et étroite (3 mètres sur 15), seule la façade sur la rue pouvait apporter de la lumière dans l’habitation. Pour contourner cette contrainte, l’agence d’architecture tire profit du climat du sud du Vietnam où il fait toujours chaud pour créer une maison ouverte organisée autour d’un puits de lumière apportant une source lumineuse à toutes les pièces qui l’entourent. Le rez-de-chaussée pensé comme une ruelle, possède un patio sous le puits de lumière et accueille un arbre apportant de l’ombre à cet espace collectif dans lequel la famille se rassemble pour partager les repas. On y trouve également une cuisine et un espace commun. Dans les étages aucune pièce n’a d’affectation donnée, à part la chambre de Madame Du, ainsi chacun peut se les approprier en fonction de ses envies, de l’heure, des pratiques du moment, du nombre de personnes dans la maison.

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  • Une maison à l’image d’un quartier

Le quartier où est implantée la maison est un enchevêtrement de vieilles ruelles et de maisons colorées et pleines de vie. Le principe ici a été de transposer cette organisation urbaine à l’échelle de l’habitation. C’est pourquoi on trouve au rez de chaussée cette interprétation de la rue ouverte, où le plus grand nombre peut se rassembler à travers cette large cour. Aussi, toutes les pièces sont dissociées les unes des autres comme des cabanes suspendues et qui communiquent entre elles par des escaliers ou des échelles. Un filet de bateau a même été installé. La maison se transforme alors en véritable terrain de jeu pour les enfants. Par son organisation la maison symbolise la ville de Saïgon que Madame Du aimait tant avant qu’elle ne commence à disparaitre.

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  • Architecture et mémoire locale

En effet, comme une grande partie des villes asiatiques, Ho-Chi-Minh-Ville vit une transformation tous azimuts transformant l’architecture et le style de la ville. Des maisons sont détruites, les modes de vie changent. Pour lutter contre cette transformation et la perte de l’histoire des lieux, la propriétaire souhaitait rendre hommage à l’architecture typique, la maison est donc construite en briques et en béton, à la manière des bâtiments populaires vietnamiens. Mais pas seulement, une grande partie des matériaux a été récupérée sur des chantiers de démolitions : briques, tuiles, carrelages, fenêtres, portes, mais aussi les grilles des balcons. Des forgerons et des menuisiers ont mis à l’honneur ces différents éléments en les mettant en scène et en les sublimant. De plus chacune des pièces est considérée comme une petite maison indépendante avec son identité propre. Pour ce faire, elles ont leur propre écriture et se différencient par leur couleurs, et sont toutes dotées d’un petit espace extérieur. La maison dans son ensemble met en scène ce lien entre intérieur et extérieur que l’on retrouve dans les maisons traditionnelles vietnamiennes et dans les modes de vie.

  • Fraicheur et végétalisation

Avec son puits de lumière et sans toiture opaque, la lumière entre partout dans la maison et la chaleur est maitrisée par l’extrême végétalisation des balcons, du patio etc…. procurant ombre et fraicheur dans une ville où la température descend rarement en dessous de 25°. Une treille métallique, recouverte en partie de plaques de polycarbonate, chapeaute l’ensemble de la maison et court le long de la façade sur rue. Excessivement décorative, elle sera dans le temps recouverte de végétation, apportant l’intimité la plus totale à la maison. De plus, les eaux de pluies sont collectées sur chacun des toits de tuiles. Avec cette végétalisation, les architectes ont reconstitué un petit écosystème, rendant la maison profondément moderne.

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  • Tradition et modernité

Cette maison allie ainsi tradition et modernité en créant un dialogue entre le passé et le présent, à la fois dans l’écriture architecturale et dans son organisation, mais aussi dans ses usages. La vie en collectivité, le lien entre intérieur et extérieur, la simplicité des espaces et du mobilier, l’importance donnée à la lumière et à la végétation au cœur de cette construction ouverte, qui est en même temps excessivement intime car protégée par cette treille verte, nous offre une interprétation très sensible de la culture vietnamienne. C’est une maison qui porte en elle à la fois la mémoire familiale mais également une mémoire collective des modes de vie, refusant l’occidentalisation de la ville et le repli sur soi.

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C’est pour moi un projet très poétique et quasiment manifeste, qui mêle la sensibilité et l’ingéniosité. Il nous montre qu’en respectant les traditions, les usages et les matériaux locaux, il est possible de réaliser des projets hauts en couleur, novateurs et très modernes, luttant ainsi contre l’uniformisation de l’architecture et des modes de vies à travers le monde. C’est aussi un projet qui fait du bien visuellement car il ne correspond pas aux projets que l’on retrouve dans les magazines d’architecture, ni dans l’ensemble des références communes que nous pouvons avoir. Il représente à mes yeux un grand bol d’air frais qui fait du bien pour ce début d’année 2017. J’espère qu’il vous aura fait voyager autant que moi !

// APG

Le petit son de l’article : The Doors « Riders on the Storm »

 

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