L’une de mes expériences les plus fortes en matière de grands paysages reste sans conteste la steppe Kazakhe. Je l’ai découverte lors de mon voyage à sac à dos en Asie Centrale en 2012, dont je vous ai déjà parlé à travers plusieurs articles. Je ne m’attendais à rien, si ce n’est à une grande étendue plate jusqu’à l’horizon, ocre et plate. Je ne l’ai pas arpentée de long en large puisqu’elle recouvre l’essentiel du Kazakhstan, à savoir 5 fois la superficie de la France. Je n’en ai découvert qu’un bout minuscule, au sud-ouest du Kazakhstan, des bords de la mer Caspienne depuis Aktau dont j’ai déjà parlé lors d’un précédent article, jusqu’à la frontière Ouzbèke en direction de Moynaq.
En quittant Aktau, la steppe est immédiatement là, tel un désert jaune sans relief, la lumière est chaude et les immeubles de la ville disparaissent au loin pour laisser place au vide. Un vide caillouteux et couvert de ci de là d’une végétation rase. La route est longée tout du long par un unique tuyau jaune qui achemine très certainement le gaz. A chaque croisement le tuyau forme une porte en hauteur pour laisser passer les véhicules, puis poursuit sa course le long du sol. Il n’y a presque personne sur la route, nous nous déplaçons dans un petit van où s’entassent gens et bagages. Nous croisons d’abord des centres de forage rendant le paysage surréaliste : puits, câbles électriques, foreuses, citernes, qui disparaissent. Plus, nous avançons vers le vide. Apparaissent parfois de tout petits villages, des maisons perdues au milieu de rien. Cette immensité brute est bouleversante et surprenante. Mais contrairement à ce que j’imaginais elle n’est en rien monotone car si le relief est excessivement plat tout le long des premiers kilomètres, apparaissent au fil des heures, puis des jours, des paysages étonnants constitués de hauteurs, de canyons, de collines.
Par chance, dans une petite gare, nous rencontrons une famille qui nous invite chez elle dans une maison très confortable avec l’eau courante, ce qui n’est pas commun dans le coin, mais pour autant, utilisée avec modération. Nous y passons une première nuit, le chef de famille est ingénieur, il nous parle de Guy de Maupassant, de la tour Eiffel et de la Commune. Sa culture, il l’a héritée de son éducation soviétique. Il nous propose de découvrir deux lieux de cultes perdus dans la steppe le lendemain. Nous acceptons. Etre accueilli chaleureusement par cette famille a été une vraie chance car comme tout vaste et grand paysage, la steppe peut sembler hostile pour celui qui ne la connait pas, et les hôtels ne courent pas les rues !
Les paysages que nous découvrons lors de ces visites mystiques, sont vertigineux. Après une étendue plate et ocre, nous découvrons des falaises amenant encore plus loin le regard vers l’immensité. Une immensité vide de toute trace humaine et de végétation, mais pleine de roches et de mouvement, la luminosité est opaque, le ciel peu dégagé rend le paysage légèrement brumeux. Un des lieux de culte est une mosquée creusée dans la roche s’apparentant plutôt à une petite grotte maçonnée qui surplombe le paysage. Les gens ont fait des kilomètres et des kilomètres de pistes caillouteuses pour venir jusque là. Ils peuvent y être hébergés et nourris gracieusement. Ils longent les falaises pour se rendre jusqu’à cette toute petite grotte tout en observant le paysage; nous les imitons.
Comme la montagne ou l’océan, la steppe nous fait nous sentir tout petit, pas grand-chose. Je vous propose donc d’en découvrir un petit morceau au travers de mes yeux avec cette série de photos. En espérant vous faire voyager un peu !
Pour aller plus loin :
Très bonne série d’émission de cette semaine sur France Culture au sujet de l’Asie Centrale : https://www.franceculture.fr/theme/asie-centrale
La série de photo de Jimmy Nelson sur le peuple Kazakhe de Mongolie
Le superbe livre d’Ella Maillard « Des Monts Célestes aux Sables rouges«
//APG
Le petit son de l’article : Chaka Khan – » I’m Every Woman »