Pour continuer dans notre voie d’optimisme suivi ces deux dernières semaines, j’aimerais évoquer le destin singulier d’une ville qui a décidé de changer ses modes de gestion pour aller vers des objectifs plus écologiques et responsables.
Alors que la COP 21 achève son marathon, les réjouissances et les critiques s’opposent sur les termes de l’accord signé par les 195 pays membres. N’étant pas une spécialiste de la question, je ne me prononcerais pas sur les promesses engagées, mais à tous les réfractaires au changement, j’aimerais dédider ce reportage. Découvert cet été, l’article m’a suffisamment marqué pour que je reprenne aujourd’hui son propos et témoigne de l’étonnant virage qu’accomplit la ville de San Francisco vers une consommation zéro déchet.
Tel est en effet l’ambitieux pari initié par la ville de San Francisco depuis 2002, réduire à zéro la quantité des déchets non recyclables produits par ses habitants. Et quand l’échelle urbaine incorporée atteint les 850 000 habitants, on peut parler d’un beau défi et d’un beau succès !
D’AMBITION À ACTIONS
Le portrait dressé par Philippe Coste pour l’Express a surprit mes attentes car je ne pensais pas trouver autant d’engagements écologiques dans la gestion politique d’une ville californienne.
San Francisco est une pionnière des causes écologiques aux Etats-Unis et son ambition commence à récolter des bénéfices saisissants. Aujourd’hui, il est annoncé que 80% des déchets produits dans l’enceinte de la ville sont recyclés. Pour ce résultat, ce n’est pas seulement la méthode de gestion de déchets et les cycles de ramassage qui ont été modifiés, mais une transformation des modes de consommation individuelle des habitants, particuliers et entreprises.
De décisions à actions, le processus d’inertie sociale est long à prendre corps et peine à devenir résultat. L’objectif a donc été atteint grâce à une très forte volonté politique. La Mairie a œuvré durant les treize dernières années autour d’un programme progressiste pour inciter fortement au suivi de l’effort de tri. Depuis 2009, la séparation des déchets en trois poubelles est obligatoire : noire les détritus, bleu les matières recyclables, vert tous les restes organiques compostables.
Pour accompagner les consommateurs, la Mairie s’est engagé moralement et financièrement, avec près de quatre millions de dollars investis dans des campagnes d’affiche et de sensibilisation. Le geste écologique se paye s’il n’est pas naturel à l’homme.
Se payent également les égarements, car les pollueurs prévenus peuvent être sanctionnés si ils ne respectent pas les consignes de tri. Les amandes sont fort rares, mais la stimulation financière comprend aussi le prix de location plus élevé des poubelles noires par rapport à ses consœurs recyclées.
La contrainte n’a cela dit, pas été l’argument de choc tant il semble que l’engouement public est suivi la démarche naturellement. Le courage politique, peut-être aussi rare aux Etats-Unis qu’en France, a convaincu les foules de la facilité de l’introduction de gestes écologiques dans son quotidien. La diplomatie a aussi été un des outils pour encourager les plus gros utilisateurs des décharges publiques à passer le cap, Hôtels et restaurants, mais aussi entreprises, BTP en tête.
BILAN D’UN CHANGEMENT
Vers la transition écologique de San Francisco, le premier bilan que dresse l’article semble très positif. Le recyclage en lui-même est une des clés de la réduction des gaz à effet de serre. Sans en faire la démonstration par les chiffres, le compost rependu sur les champs a un effet très positif sur la capacité d’absorption des sols en CO2, le recyclage des matières plastiques et papier permet d’économiser de la matière et donc produire moins. Écologiquement, l’amélioration, ou plutôt la réduction des nuisances est là.
Socialement, le phénomène produit également des bienfaits. D’après l’auteur toujours, il semblerait que les habitants revendiquent avec fierté l’engagement municipal. Recycler est devenu une fierté et un signe d’appartenance à la ville. Allant au-delà du périmètre d’action de la ville et de sa politique du «zéro waste », certains ont intégré les problématiques et sont allés plus loin jusqu’à bouleverser leurs modes de consommation. Avant d’envisager les restes, ils pensent à leurs achats et privilégient dès la caisse les produits éco-responsables : agriculture bio, vente en vrac, second-main…
Économiquement, les retombées du 100% recyclable ont aussi eu des effets notoires. Côté consommateurs, la diminution des quantités jetées a fait baisser la note des services de ramassage. Côté filière de tri, le marché productif a permis création d’emplois et développement des centres spécialisés.
Aux abords de San Francisco, le centre de Vacaville gère la transformation des produits organiques en compost avant de revendre l’engrais naturel aux fermes de la région. Pour les éléments recyclables, c’est au centre Pier 96 que sont traités plus d’un millier de tonnes de déchets par jour. Les bouteilles et les cartons sont devenus les premiers produits d’exportation californien, vendus en volume à la Chine et au Vietnam.
NOUVELLE DONNE
A San Francisco donc, la donne a changé, l’écologie s’est importée. Cet exemple démontre que le changement est possible même à grande échelle. Face aux enjeux du réchauffement climatique, conséquence de la surconsommation générale, les forces politiques californiennes ne sont pas montrées frileuses, mais ont porté avec conviction des actions concrètes pour modifier les modes de tri des déchets, premier pas vers un changement collectif des modes de consommation.
San Francisco n’est pas un cas isolé, mais son exemple témoigne que le changement est possible si on s’applique à la tâche. Ce qui me semble particulièrement positif dans cet exemple, c’est l’entrain donné par la ville et sa politique urbaine aux habitants. L’engagement militant politique déteint sur ces habitants et ancre par capillarité une réflexion sur le mode de consommation global et individuel. En partant d’un problème très ciblé, une réflexion plus large s’ouvre et expose chacun face à l’introspection et la responsabilité de ses actes.
Si vous aussi, vous êtes parfois abattu d’avance par les tâches à accomplir, le cas de San Francisco devrait mettre un peu de baume au cœur. D’un mouvement peut naître la révolution, à nous de donner le coup de pied !
Pour aller plus loin :
L’article source San Francisco, la ville zéro déchet sur le site de L’Express
Zero Waste Home le blog de Béa Johson, experte en zéro consommation
Le petit son de l’article : Alice on the roof – « Easy Come, Easy Go »