Si j’ai des restes de mes cours de collège, celui qui me revient le plus souvent à l’esprit est l’étude du livre de Garguantua en classe de troisième. Je ne sais pas pourquoi mais la figure de l’ogre de Rabelais, dégueulant d’insanités et de vieux français, m’a profondément marqué.
Sans reprendre le détail des péripéties qui constituent l’histoire, le message de l’écrivain peut se résumer à cette métaphore filante de l’homme humaniste qui voudrait vivre en ogre pour dévorer tous les savoirs des sciences, de la nature, de l’amour et des hommes. La démesure du monde étant hors de notre portée, insaisissable et pourtant si désirable, il faudrait le profil d’un géant pour englober tous ses secrets et assouvir la soif des esprits curieux.
Depuis cette lecture, cette vision ne cesse de me hanter et mon métier me rappelle souvent que je serai une architecte bien plus aboutie si je connaissais tout de l’ingénierie, des branchements électriques, des calculs acoustiques, des performances thermiques des matériaux, des catalogues de produits sanitaires, des demandes de prêts à taux zéro, des PLU locaux, des descriptifs des sables et des bétons, des détails de menuiseries, des attentes des réglementations ERP, PMR, RT 2012 et leurs articles dérogatoires, des conditions de pousse des plantes au jardin et des temps de séchages des chapes selon leurs composants, des différents cylindres des serrures et de la dureté des revêtements de sols. Tout cela en plus des connaissances de base que sont le dessin, la conception d’espace, la réalisation de plans, la maîtrise de nos logiciels, le conseil en architecture, l’audace et l’imaginaire (sont-ce des connaissances ?), l’analyse urbaine et le maniement des échelles de travail, l’accompagnement dans le projet, le design, les présentations orales et graphiques, la direction de chantier, la gestion commerciale et administrative d’une agence…
Une mémoire de géant pour retenir tout cela, ce serait bien non ? Que j’aimerais avoir une énergie décuplée pour découvrir, apprendre et connaître toujours plus ! Mais il n’y a pas que pour moi que je souhaiterais cette connaissance pluridisciplinaire, j’aimerais aussi que les entreprises en connaissent plus en architecture et les maîtrises d’ouvrage en bâtiment. Un monde universellement plus savant, voilà qui aiderait la conduite de projet et améliorerait nos paysages.
En attendant l’état de grâce, ne perdons pas une occasion de s’instruire et surtout sachons reconnaître, devant nos capacités limitées, les besoins du travail en équipe. Une équipe non pas hiérarchique (de haut en bas), mais collective. Où chacun apporterait l’éclairage de son savoir à établissement d’une œuvre collaborative. Si le rêve de Rabelais est beau, celui de « faire société » l’est aussi et, plus réaliste.
A découvrir : la bibliothèque The Pinch qui illustre cet article.
Réalisé par Olivier Ottevaere et John Lin, à Shuanghe en Chine en 2014, ce bâtiment est le premier équipement public reconstruit après le tremblement de terre quia dévasté le village en septembre 2012.
Bibliothèque et centre communautaire, le bâtiment est aussi un terrain de jeux pour les enfants avec son double toit incurvé accessible, formant un beau toboggan.
Plus de d’informations et de photos à découvrir : The Pinch Library.
Le petit son de l’article : Lauryn Hill – « Doo-Wop (That Thing) »