Connaissez-vous le magazine le 1 ? J’ai découvert ce journal il y a quelques temps déjà, c’était mon rituel d’achat et de lecture quand je prenais le train. Cet été, pour satisfaire mon plaisir de culture, je me suis tout simplement abonnée.
Le 1 est un journal atypique et mordant. A l’heure où l’actu se consomme en masse (comme beaucoup de chose, nous en reparlerons), le 1 propose chaque semaine un numéro qui traite un seul sujet, un seul sujet mais à fond. Le thème porté en couverture est analysé sous toutes ses coutures à travers une série d’articles et de textes issus d’horizons différents. Les contributeurs peuvent être experts, scientifiques, journalistes ou écrivains, ils abordent le sujet en apportant chacun à sa manière, le plus d’informations pour éveiller notre attention.
Car l’objectif est bien celui-ci : détailler la pluralité d’un sujet, donner des outils pour le comprendre, partager des savoirs, interroger et donner à réfléchir. Le format du journal même s’applique à cette volonté, si il est vendu en un A4 assez standard au début, il se déplie en poster en tournant les pages et permet ainsi une lecture partagée à 2, 3 ou 4 personnes.
Bref une telle parution mérite publicité ! En dehors du fait de soutenir la presse écrite indépendante, vous trouverez avec le 1 matière à penser sur les sujets d’actualité qui ne sont pas forcément approfondis ailleurs.
Le sujet de la semaine traite de « ces profs qui font bouger l’école », vous pouvez l’acheter en kiosque si vous voulez vous faire une idée de ce que donne le journal, mais aujourd’hui, je vais évoquer la rentrée des classes par un autre biais, objet du numéro du 10 aout (disponible sur internet).
SEUL SUR LE SABLE
Il est bon de partir en vacances, on quitte le travail en espérant s’envoler pour quelques semaines vers un havre de calme et de tranquillité, où l’on pourra se reposer, se ressourcer et s’adonner à nos activités préférées (notamment la lecture des articles en retard sur Site[et]Cité et les recommandations de nos conseils d’été !).
Ca, c’est le projet, la réalité est souvent autre. En dehors du rythme que l’on peut s’imposer pour profiter un maximum de nos journées (moi et mes réveils à 8h30, départ en balade à 10h), on se retrouve aussi confronté à une foule d’anonymes venus comme nous profiter de ses congés payés pour troquer ville de résistance contre de ville de plaisance.
Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises dans nos articles, la mondialisation du tourisme a augmenté les flux de circulation et est devenu un objet de consommation de masse. Certaines destinations ont vu leur attractivité grandir, jusqu’à la saturation pour certaines. La sauvegarde de leur authenticité, voir de leur vitalité, est devenue un enjeu crucial qui mobilisent les intelligences gouvernementales. Aucun site ne saurait être maintenant exempté de son flot de visiteurs. Ni la plage, ni la montagne, ni le désert.
DU BAROUDEUR À LA CARAVANE
Le désert est justement le thème du numéro 117 du 1 et le tourisme le sujet de l’un des articles. « Vide d’homme et rempli de sens » voilà résumé l’appel du désert, bien compris par les voyagistes qui ont entreprise le commerce à la fin des années 1980. A homme pressé et stressé, le désert représente l’oasis de réconfort, loin des lumières saturées des villes. Le voyage dans le désert s’associe à une expérience que l’écrivain Bruno Doucey analyse finement.
« Les déserts sont émouvants parce que c’est la nature avant l’homme. C’est aussi le spectacle de ce qu’elle pourrait être après lui, quand il aura disparu ».
Théodore Monod.
Le désert n’est pas seulement un objet de fantasme pour les baroudeurs où la nature se vit à l’état brut dans toute sa grandeur et sa puissance. Il se vit aussi comme objet d’études pour les archéologues (lire interview de Corinne Castel) ou comme retraite spirituelle à la recherche du décor de nos religions (Jean François Colosimo).
Ces attraits ont toutes raisons de devenir l’objet de nos convoitises, mais pourtant si un désert devenait peuplé de touristes, resterait-il longtemps un désert ? Plus que tout autre destination, le désert est suspendu à la présence modérée d’hommes. Elle définit ce qui est et l’inaccessibilité fait partie de son existence.
DANGER AUX SOMMETS
Comme la haute montagne et la pleine mer, le désert possède des armes des défenses. Il est dangereux pour tous les non-initiés, impropre à quiconque voudrait y imposer un rythme trop intense, car la chaleur agit sur le corps et sur l’esprit. Ces paysages méritent de l’expérimentation pour y séjourner. Il est utile de s’accompagner de guides, qui vont, en plus de leurs savoirs et leur encadrement, jouer un rôle de régulateur. Cela est vrai pour le Mont Blanc, où l’affluence est (plus ou moins) limitée par le nombre de guides et des places disponibles au refuge du Goûter.
L’article de Bruno Doucey souligne un autre type de danger existant au désert, mais celui-ci plus malheureux provient des hommes eux-mêmes quand ils exportent leurs territoires de guerre dans la plaine infinie. C’est ainsi que dans le désert du Sahara et au Moyen-Orient, une zone rouge définie par le Ministère des Affaires Etrangères français désigne les secteurs « formellement déconseillés » et il est avisé de s’y tenir. Contrairement aux Alpes ou aux Pyrénées, aucun hélicoptère ne vient récupérer les aventuriers téméraires qui seraient passés outre les recommandations de sécurité et serviraient de monnaie d’échange aux djihadistes, ou pire …
Le sujet de l’accessibilité au plus grand monde des lieux inaccessibles me pose beaucoup de question depuis j’ai commencé l’alpinisme. Je m’y trouve confrontée à chaque fois que je vais en montagne, émerveillée par la vue et pétrifiée de faire partie de ce système où ma présence aussi bienveillante et discrète que possible, perturbe déjà un équilibre. Ainsi j’ai trouvé dans ce numéro du 1 une alimentation riche pour ma réflexion avec cette analogie des paysages radicaux : désert / montagne.
Pour vos prochaines vacances, si les destinations de sables vous séduisent, allez visiter le plateau du Colorado, les déserts de Sonora aux Etats-Unis, l’Atacama chilien, celui du Taklamakan en Chine, du Thar en Inde, la Jordanie, la Namibie … et envoyez nous nos photos pour nous faire rêver.
Le petit son de l’été : Roossevelt – « Fever »
Où l’éloge du désert frôle l’éloge de la solitude…
J’aimeJ’aime